La candidate israélienne Eden Golan chante pendant la finale de l'Eurovision, le 11 mai 2024 à Malmö, en Suède

La candidate israélienne Eden Golan chante pendant la finale de l'Eurovision, le 11 mai 2024 à Malmö, en Suède.

afp.com/Tobias SCHWARZ

L’Eurovision est le plus grand concours musical au monde. L’édition 2024 a été regardée par plus de 200 millions de personnes à la télévision. Outre les chansons, les téléspectateurs ont assisté à un flot constant de haine à l’égard d’Israël dans les rues de Malmö (Suède), ville hôte du concours cette année, comme à des huées persistantes lors de la prestation de la chanteuse israélienne Eden Golan dans la salle.

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Eden Golan avait été contrainte de réécrire sa chanson avant le festival et il lui avait été interdit d’exprimer sa tristesse pour ses compatriotes israéliens qui ont tragiquement perdu la vie le 7 octobre 2023. La raison ? L’Eurovision n’autorise pas les paroles politiques. C’est là le plus grand scandale : le fait que le deuil des personnes tuées lors d’un festival de musique en Israël il y a seulement sept mois ait été censuré lors d’un concours de musique. Parce que la politique n’a soi-disant pas sa place ici. La manifestation d’empathie et de solidarité à l’égard des victimes de la violence est considérée comme politique. En revanche, la démonstration d’une attitude woke ne semble pas l’être…

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Dans les jours qui ont précédé le concours, des artistes de plusieurs pays ont ainsi ouvertement affiché leur mépris pour la chanteuse israélienne. La télévision belge a diffusé des messages de protestation contre Israël, et une présentatrice du score de la demi-finale a manifesté sa désapprobation en refusant même de mentionner Israël par son nom.

Antisémitisme et anticapitaliste souvent associés

Cependant, les événements ont pris une tournure remarquable lorsque la majorité des téléspectateurs ont refusé de partager les mêmes sentiments. Ils ont voté en faveur de la chanteuse israélienne, que ce soit par soutien à Israël ou simplement parce qu’ils aimaient sa musique et ne se laissaient pas guider par des idéologies politiques. S’il n’en tenait qu’aux téléspectateurs, Israël aurait obtenu une impressionnante deuxième place. Finalement, Israël s’est classé cinquième, mais uniquement grâce aux spectateurs. Le jury n’a accordé au pays que 52 points (contre 365 pour la Suisse), ce qui le place en 12e position.

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La majorité silencieuse a enfin eu l’occasion d’exprimer son opinion. Malheureusement, force est de constater que les artistes - tout comme les intellectuels - ont rarement raison lorsqu’ils s’expriment sur des sujets politiques. Dans le milieu culturel, qui se veut anticonformiste mais qui est extrêmement conformiste, on s’attend presque à ce que tout le monde s’aligne sur les idéologies de gauche. Et être de gauche aujourd’hui, c’est aussi adhérer à une idéologie woke, postcolonialiste, pour laquelle Israël fait aujourd’hui figure d’incarnation du colonialisme et du capitalisme.

Historiquement, l’antisémitisme et l’anticapitalisme ont souvent été associés - du socialiste Eugen Dühring au national-socialiste Adolf Hitler. Il n’est donc pas étonnant que dans les universités de gauche du monde occidental, qui sont devenues les principaux bastions du sentiment anticapitaliste, l’animosité à l’égard d’Israël soit si répandue.

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Cependant, il est important de reconnaître qu’il s’agit d’une petite minorité amplifiée par les médias, parce que de nombreux professionnels des médias sont eux-mêmes de gauche. Et parce qu’il s’agit d’une minorité criarde, bruyante et agressive. Alors que la majorité, elle, reste silencieuse. Mais cette majorité silencieuse a parfois l’occasion de montrer qu’elle n’est pas du tout impressionnée par l’idéologie d’une minorité woke. Comme hier, lorsqu’elle a jugé la chanteuse israélienne uniquement sur sa performance musicale.

Vote porteur d’espoir

Bien sûr, la majorité n’a pas toujours raison. Elle a parfois terriblement tort. Les exemples sont nombreux aujourd’hui, comme tout au long de l’histoire. Mais le vote à l’Eurovision est porteur d’espoir. La majorité ne veut rien avoir à faire avec les ennemis d’Israël de gauche menés par l'"activiste climatique" Greta Thunberg. En ces temps terribles où de nombreux juifs ne se sentent plus en sécurité pour porter une kippa dans leur propre quartier et où ils se voient refuser l’entrée dans les universités par des activistes de gauche, le vote à l’Eurovision est un signe positif.

Le président américain et candidat démocrate Joe Biden devrait peut-être se demander si c’est une bonne idée de s’incliner devant la minorité de gauche qui déteste Israël, par déférence opportuniste envers les membres de la gauche de son parti, en refusant de manifester sa solidarité avec Israël en ces temps difficiles.

* Rainer Zitelmann est historien et auteur notamment de Hitler’s National Socialism et du récent How Nations Escape Poverty.