Stressed woman on telephone

Contrairement à ce que le nombre de témoignages consacrés au sujet pourrait laisser penser, le TOP ne concernerait qu’une petite minorité d’élèves, soit 4 à 5 % des garçons et 2 à 3 % des filles en âge scolaire.

Getty Images/Goodshoot RF

TOP, trois lettres mystérieuses pour le grand public mais bien connues de beaucoup d’enseignants. "Si mon enfant a du mal avec la discipline c’est parce qu’il souffre d’un 'trouble oppositionnel avec provocation'", leur rétorquent de plus en plus de parents lorsqu’ils sont convoqués par l’école. "Ces derniers vont sauter sur cette hypothèse-là pour expliquer le comportement problématique de leur fils ou de leur fille parce qu’elle les dédouane de toute responsabilité. Hélas, comme pour les HPI [NDLR : hauts potentiels intellectuels], on met un peu tout et n’importe quoi derrière ce terme", s’agace le psychologue clinicien Didier Pleux, auteur de L’autorité éducative, une urgence (Odile Jacob, 2024).

Publicité

Les forums de sites médicaux et ceux dédiés à l’enfance regorgent de confidences de pères ou de mères désemparés face aux multiples manifestations de colère, de ressentiment, d’opposition et de contestation de leur enfant. Pour certains, ces comportements cocheraient toutes les cases du fameux TOP qu’ils brandissent comme étant la cause de leurs tourments.

LIRE AUSSI : Les élèves HPI inadaptés à l'école ? Ces idées reçues démenties par les scientifiques

"Mon fils de bientôt 5 ans va sûrement être diagnostiqué TOP", avance ainsi cette mère de famille sur Facebook, arguant que l’école "est devenue un cauchemar pour lui" et que "la maîtresse ne trouve plus de solution pour le gérer en classe". De nombreux "coachs en parentalité" exploitent d’ailleurs ce filon en proposant tests, séances ou ateliers "miracles" bien souvent onéreux. "Encore un nouveau marché qui surfe sur la méconnaissance et la confusion des parents !", s’indigne Didier Pleux.

Une petite minorité d'élèves concernés

L’apparition de ce fameux TOP n’est pas récente. Ce trouble du comportement est reconnu et répertorié dans les classifications internationales depuis les années 1980. Les enfants concernés peuvent présenter les symptômes suivants sur une durée supérieure à six mois : ils perdent leur sang-froid facilement et de manière répétée, défient les adultes, refusent d’obéir à des règles, sont facilement agacés et irrités, se montrent vindicatifs, blâment les autres pour leurs propres erreurs ou débordements…

Contrairement à ce que le nombre de témoignages consacrés au sujet pourrait laisser penser, le TOP ne concernerait qu’une petite minorité d’élèves, soit 4 à 5 % des garçons et 2 à 3 % des filles en âge scolaire. "Si les parents l’évoquent davantage aujourd’hui, c’est sans doute parce qu’il est moins compliqué et moins honteux d’en parler. Je ne dirais pas qu’ils se cherchent des excuses mais plutôt qu’ils sont à l’affût de solutions et n’hésitent plus à consulter. Ce qui me semble aller dans le bon sens", temporise Diane Purper-Ouakil, chef du service de médecine psychologique de l’enfant et de l’adolescent au CHU Saint-Eloi de Montpellier.

Les causes de ce trouble peuvent être extrêmement diverses. L’apparition d’un TOP peut être due aussi bien à des facteurs génétiques qu’à des contextes familiaux ou encore à d’autres pathologies. "Un enfant 'dys' [NDLR : qui peut souffrir de dyslexie, dyscalculie, dysorthographie], non diagnostiqué comme tel et qui se heurte à des problèmes d’apprentissage, peut être amené à développer ce type de trouble oppositionnel", avance Diane Purper-Ouakil.

LIRE AUSSI : L’éternel (et vain) retour des corrections visuelles pour la dyslexie, par Frank Ramus

Dans environ un tiers des cas, le TOP serait aussi associé au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Il peut également venir se greffer à une forme d’anxiété difficile à apaiser. Pour Mario Speranza, pédopsychiatre au Centre hospitalier de Versailles, la dimension éducative doit aussi être prise en compte. "Les études démontrent que l’entourage peut avoir un impact lorsque celui-ci ne met pas de limites ou de règles. Ou lorsque, à l’inverse, il adopte des postures trop rigides et peu adaptées aux besoins qu’a l’enfant de s’exprimer", insiste-t-il.

"Manque d'autorité"

Didier Pleux va, lui, beaucoup plus loin et voit dans le "délitement de l’autorité en famille et à l’école" la principale cause des troubles du comportement constatés chez les enfants qui développeraient une "forme d’intolérance aux frustrations et à l’effort". "N’en déplaise aux adeptes de la psychiatrisation à outrance pour qui l’apparition de ces fameux TOP serait avant tout due à des prédispositions génétiques ! Certes cette piste ne doit pas être négligée, mais ce n’est que rarement le facteur numéro un", lance-t-il en se basant sur son expérience.

LIRE AUSSI : Dyslexie, TDAH, autisme… Les dérives de la psychanalyse chez les enfants

"Il y a 45 ans, les enfants que l’on suivait en psychothérapie avaient des problèmes d’estime et de confiance en soi engendrés par l’autoritarisme sociétal et parental", explique-t-il. "Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le manque d’autorité et d’exigence des parents fait que les enfants ont du mal à accepter les contraintes et à s’accommoder d’une réalité difficile", poursuit le psychologue pour qui il est tout à fait possible d’être empathique, respectueux, tout en fixant des limites.

D’autres spécialistes insistent, quant à eux, sur le piège des "punitions à outrance". "Dans le cadre d’un TOP, il convient d’éviter deux types d’excès : la démission et l’escalade coercitive qui risquerait d’enfermer l’enfant dans un rôle et le couper de toute porte de sortie", insiste Diane Purper-Ouakil, pour qui certains programmes d’aide aux parents peuvent servir. "Ils consistent à proposer aux parents des stratégies éducatives adaptées aux diverses situations rencontrées", explique-t-elle, en insistant aussi sur l’importance de mieux former les professeurs.