+++ to secure your transactions use the Bitcoin Mixer Service +++

 

Menu
Libération
Critique

Pièces de Résistance

Des hauteurs de Belleville au maquis du Vercors en passant par l'Afrique du Nord, le parcours tumultueux d'un juif d'origine polonaise, gaulliste de la première heure.
par Olivier Wicker
publié le 29 juin 2000 à 1h57

Le récit de résistance constitue un genre périlleux. De fait, les acteurs ne parviennent pas toujours à quitter les rives de l'anecdote et à offrir, pour l'histoire, le témoignage distancié de leur engagement. Sans toujours éviter ces écueils, le livre que Henri Rosencher propose sur son itinéraire mérite pourtant qu'on s'y attarde.

Fils d'une modeste famille juive d'origine polonaise, le jeune Henri passe son enfance sur les hauteurs de Belleville. Le tableau chaleureux qu'il offre de son avant-guerre permet de comprendre les termes de son entrée dans la Résistance. L'attachement aux valeurs républicaines, la haine du nazisme, la confrontation avec l'antisémitisme le préparent à la lutte. S'ajoutent, cependant, des considérations plus personnelles. S'obstinant, malgré les obstacles , à poursuivre des études de médecine, imposant à sa famille une épouse non juive, l'homme a du caractère. Une qualité qui lui sera précieuse durant les années de tourmente.

Ayant combattu pendant la campagne de France, Henri Rosencher, prisonnier, s'évade, et ne pense qu'à rejoindre le général de Gaulle. Il passe clandestinement la ligne de démarcation et parvient en Afrique du Nord. Tout en poursuivant ses études dans des conditions difficiles - l'antisémitisme sévit à l'Université -, il cherche, en vain, à gagner Gibraltar et se replie, faute de mieux, sur le mouvement Combat. Le débarquement allié, en novembre 1942, lui permettra enfin de reprendre les armes. Enrôlé dans les commandos, il participe à la campagne de Tunisie. Capturé, transféré en Italie, il s'évade, une nouvelle fois, revient en Algérie, et se porte volontaire pour une mission en France qui le conduit dans le maquis du Vercors. Arrêté, torturé, il est déporté, au Struthof puis à Dachau dont il ne reviendra que pour apprendre la disparition de toute sa famille dans les camps de la mort.

La force de ce récit tient bien entendu à la personnalité exceptionnelle de son auteur. Le livre offre un tableau passionnant de la vie en Algérie, une description vivante de l'effondrement italien de 1943, une peinture inattendue des actions commandos. Une poignée d'hommes, cantonnée au phare du Cap Serrat, a ainsi suffi pour désorganiser l'armée allemande par une série de raids... Certes, le livre souffre de quelques faiblesses. Quelques passages s'apparentent au genre discutable des souvenirs du service militaire. Les rappels historiques souffrent d'inexactitudes chronologiques et l'orthographe de quelques noms auraient pu être vérifiée. Mais, en portant le projecteur sur des réalités méconnues (l'action des commandos en Afrique du Nord notamment), en présentant le portrait chaleureux d'un soutier de la Résistance, Henri Rosencher aide à mieux saisir les enjeux des années sombres.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique