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Libération
Interview

«Les Serbes sont les agresseurs». De retour d'ex-Yougoslavie, Tadeusz Mazowiecki rappelle la responsabilité serbe dans les violations des droits de l'homme.

par Elisabeth KULAKOWSKA
publié le 9 juin 1995 à 5h34

Varsovie, de notre correspondante

Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la Commisssion des droits de l'homme des Nations unies pour l'ex-Yougoslavie depuis août 1992, est revenu samedi de sa septième mission en Croatie et Bosnie centrale.

La communauté internationale découvre aujourd'hui seulement que les Serbes sont capables d'actes terroristes, alors que les Musulmans bosniaques l'ont mis en garde depuis trois ans...

Je comprends très bien leur amertume, notamment celle des habitants de Sarajavo qui subissent quotidiennement les attaques des snipers. A Tuzla, récemment encore, 71 personnes ont été tuées. Mais la prise en otages des Casques bleus et le fait de les avoir placés en position de bouclier devant des objectifs militaires est un acte de terrorisme qui a été un choc pour tout le monde.

Vous avez été un des premiers à dire que, dans cette guerre, les responsabilités ne sont pas partagées à parts égales. Continuez-vous à l'affirmer?

Depuis le début de mon mandat et dès mon premier rapport, j'ai souligné qu'il y avait, dans cette guerre, un agresseur et un agressé. Au fil du conflit, certaines choses se sont estompées parce que l'on a entamé des négociations avec toutes les parties du conflit comme si elles en partageaient la responsabilité. J'ai également toujours affirmé que la politique d'épuration ethnique a été commencée par les Serbes. Je n'ai cependant jamais passé sous silence les crimes et violations des droits de l'homme commis par chacun des belligérants, j'ai mis en garde contre la pratique de l'épuration ethnique appliquée plus tard dans le conflit croato-musulman en Bosnie. Je n'ai jamais caché non plus qu'il y avait des problèmes de violation des droits de l'homme du côté des Musulmans bosniaques, mais cela ne veut pas dire que la responsabilité dans ce conflit est la même pour tous. Car la politique d'épuration ethnique a été lancée par le côté serbe, je le répète, et les négociations visant à trouver une solution au conflit sont bloquées par le côté serbe.

Depuis le début du conflit, certaines forces politiques ont tenté de «criminaliser» les trois parties. Si aujourd'hui cette tendance s'est renforcée chez certains, c'est pour mieux justifier un éventuel retrait des Casques bleus.

Un des principaux objectifs de votre dernier voyage a été d'enquêter sur les conditions dans lesquelles les Serbes ont été expulsés par les Croates de Slavonie occidentale. Qu'avez-vous observé là-bas?

J'ai constaté que la majorité des Serbes a quitté la Slavonie occidentale en même temps que les unités de l'armée serbe qui s'y trouvaient. Environ 2.000 Serbes sont restés. Deux questions se posent aujourd'hui: vont-ils rester, et ceux qui sont partis pourront-ils revenir? Il s'agit de savoir si les autorités croates seront capables de créer les conditions favorables au retour des Serbes et d'assurer sur place leur sécurité. Pour ce qui est du passé, il faut déterminer avec plus de précision le nombre de morts civils et militaires lors de l'assaut des Croates dans cette région. Officiellement, le gouvernement croate parle de 186 morts, mais il est possible que sur les terrains minés il y ait encore eu des victimes non identifiées. Parmi ces morts, il y a certainement une vingtaine de civils et trente autres qu'il est très difficile d'identifier. On ne peut pas, à l'heure actuelle, affirmer qu'il n'y a pas eu plus de morts civils car il y a eu un massacre sur la route, et les déclarations des témoins sont ici contradictoires. Il y a, deuxièmement, la question des personnes internées dans des camps de transit où des violations de droits de l'homme ont certainement été commises. Sans parler des pillages. Les autorités croates devraient tirer les conséquences de tout cela.

Que font les autorités croates pour permettre le retour des Serbes?

On m'a informé que d'importantes forces de police avaient été mobilisées pour éviter tout débordement. On m'a également dit que les policiers avaient été choisis de manière à ce qu'aucun n'ait eu dans sa famille des personnes tuées par les Serbes. Nous avons toutefois reçu des plaintes de la part des Serbes, mais elles concernent l'armée croate et non pas la police.

Les autorités croates ont fait quelques déclarations incitant les Serbes à revenir, mais sous certaines conditions: avoir vécu dans la région avant 1991, car la Slavonie occidentale a été après cette date peuplée artificiellement de Serbes venant d'autres régions, et avoir une preuve quelconque qu'ils habitaient là-bas auparavant. Il me semble que les Croates sont divisés sur la question du retour des Serbes en Slavonie occidentale. Une grande partie du gouvernement croate désire qu'ils reviennent car c'est pour eux un argument en faveur d'une cohabitation future.

Certains indices permettent de dire qu'il y a une volonté de la part des Croates et des Musulmans bosniaques de créer les conditions de coexistence pour un après-guerre. Un de ces indices, c'est la mise sur pied du tribunal des droits de l'homme dont on parle de plus en plus en Croatie.

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