La France vit à crédit écologique depuis la semaine dernière : le 7 mai marquait son "jour du dépassement", date à laquelle elle a virtuellement consommé l'ensemble des ressources que la Terre peut lui fournir en un an.
Une information largement passée inaperçue sur laquelle Fabrice Bonnifet, président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, revient dans ce nouvel édito.

L’arrivée de la flamme olympique à Marseille sous les hourras de la foule en délire a étouffé la célébration moins reluisante du jour du dépassement de la France, le 7 mai, c’est-à-dire le moment où nous avons consommé autant de ressources que la biocapacité planétaire est capable d’en générer sur un an. Autrement dit, si la population mondiale vivait comme les Français, l’humanité aurait besoin de presque trois planètes Terre pour satisfaire ses besoins. Dans ce contexte, donner des leçons de vertu écologique juste parce que notre électricité est à 80% décarbonée est le comble de l’indécence.

 

En outre, les ressources biologiques que nous utilisons ne sont pas extraites sur notre sol, car la France consomme 86% de plus que ce que ses propres écosystèmes peuvent régénérer. Et si on rajoute les ressources minérales indispensables à l’industrie, alors la dépendance de la France et celle de l’Union européenne vis-à-vis du reste du monde sont gigantesques. D’où cette idée "géniale" de rouvrir des mines partout en Europe pour satisfaire la demande croissante en métaux nécessaires à la "transition", alors que les taux de concentration en métaux des mines ne cessent de décroître. Tant que les dégâts collatéraux des activités minières se produisaient loin de notre continent, il suffisait de baisser les yeux sur les conditions sociotechniques d’extraction et l’acceptation sociale était acquise. 

Nous serions plus avisés de faire advenir urgemment pour notre bon peuple un nouveau contrat social plus clairvoyant au regard de l’urgence écologique : "du sens et du bien-être".
Fabrice Bonnifet

Nous allons donc redécouvrir les affres d’une industrie qui génère en volume au niveau mondial environ 60 milliards de tonnes de résidus et déchets toxiques par an. Sans compter les conséquences délétères sur la biodiversité, les conflits d’usage de l’eau et l’exploitation des sols. Certes, nos mines à nous seront "vertes", foi du charbonnier ! Enfin, plus précisément, elles respecteront "scrupuleusement" le droit environnemental des Hommes qui hélas ne pèse rien en crédibilité scientifique face aux lois de la nature qui se garderait bien d’édicter des normes complaisantes qui la condamnerait !

Une fois le rideau de l’illusion retombé et les paillettes, fussent-elles olympiques, balayées sous le tapis, allons-nous continuer à nous enfermer dans l’obscurantisme court-termiste du Panem et circenses (du pain et des jeux) qui nous précipitent dans l’abîme de l’effondrement des écosystèmes indispensables à la vie, proportionnellement à notre gloutonnerie matérielle ? Nous serions plus avisés de faire advenir urgemment pour notre bon peuple un nouveau contrat social plus clairvoyant au regard de l’urgence écologique : "du sens et du bien-être".

 

Parce que poursuivre la fuite en avant d’une consommation sans discernement et modération des ressources naturelles pour gaver le dérisoire de certaines industries, risque bien de stopper dans un chaos social nos rêves et nos délires d’infini, avant même que nous ayons eu le temps d’ouvrir nos yeux sur la réalité des limites planétaires. En effet, c’est bien la lucidité du monde fini qui devrait guider nos actions de progrès pour enfin promouvoir plus de collaboration qui rassemble, et moins de compétition qui divise.

 


Fabrice BONNIFET

Tout
TF1 Info