Paul Verhoeven

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Paul Verhoeven
Portrait photographique de Paul Verhoeven en 2016.
Paul Verhoeven en 2016.
Naissance (85 ans)
Amsterdam (Pays-Bas)
Nationalité Drapeau des Pays-Bas Néerlandaise
Profession Réalisateur
Scénariste
Films notables RoboCop
Total Recall
Basic Instinct
Starship Troopers
Black Book
Elle

Paul Verhoeven (prononcé en néerlandais : /ˈpʌl vərˈɦuvə(n)/[N 1]) est un réalisateur et scénariste néerlandais, né le à Amsterdam. Sa carrière se divise en trois grandes périodes : il obtient d'abord ses premiers succès aux Pays-Bas, puis accepte l'invitation de Hollywood et s'installe aux États-Unis, avant de rentrer en Europe, sur le tard, pour y retrouver la liberté de tourner des films plus personnels.

Formé pour l'essentiel durant son service militaire au département audiovisuel de la Marine néerlandaise, pour laquelle il tourne des documentaires promotionnels dès 1964, il réalise ses premiers films aux Pays-Bas. Il obtient rapidement des succès importants avec, notamment, Turkish Délices (1973), record d'entrées dans son pays encore aujourd'hui. Mais après le très rude Spetters (1980), la censure, de plus en plus forte, le conduit à partir aux États-Unis. Il y découvre un tout autre monde et obtient ses plus grands succès internationaux : RoboCop (1987), Total Recall (1990), Basic Instinct (1992), avant les controversés Showgirls (1995) et Starship Troopers (1997). Progressivement, le côté dérangeant et provocateur de sa production lui met cependant les studios à dos, tandis que le manque croissant de liberté le décide à rentrer en Europe pour tourner Black Book (2006). Regagnant en reconnaissance, il présente en 2016 le film francophone Elle, qui reçoit de nombreuses récompenses, parmi lesquelles une sélection en compétition officielle à Cannes, ainsi que deux César, dont celui du meilleur film.

Toute la filmographie de Verhoeven est traversée par les thèmes du sexe, de la violence et de la religion, qu'il considère comme « les trois principaux éléments sur terre ». En tant que réalisateur, il se pose en observateur froid et lucide, quitte à choquer pour mieux montrer la stricte réalité.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et période néerlandaise[modifier | modifier le code]

Portrait photographique de Paul Verhoeven en 1980
Paul Verhoeven en 1980.

1938-1966 : apprentissage[modifier | modifier le code]

Paul Verhoeven est né le à Amsterdam, d'un père instituteur et d'une mère au foyer[1]. Très marqué par la Seconde Guerre mondiale, dont il est un témoin direct dans son pays occupé par les Allemands, il garde le souvenir de scènes terribles[2]. Mais il se souvient également d'une enfance joueuse, qui détournait ce décor sordide pour en faire comme une cour de récréation[1]. Après la libération, les films américains se propagent aux Pays-Bas, et son père l'emmène souvent au cinéma[3]. Il fréquente alors le Gymnasium Haganum à La Haye, où il s'oriente vers des cours de physique et de mathématiques.

En 1955, toujours à l'initiative de son père, francophile, ses parents l'envoient passer une année en France, au lycée Henri-Martin de Saint-Quentin (Aisne) puis en pension à l'Alliance française Paris Île-de-France. Il y rencontre un professeur de français qui lui fait découvrir les grands classiques du cinéma, dans le cadre de son ciné-club. Il avoue que la naissance de sa vocation de metteur en scène remonte à cette époque ; il veut intégrer l'IDHEC, mais sa démarche est trop tardive et il rentre aux Pays-Bas[4],[5].

Il reprend ses études à l'université de Leyde (Leiden) où, fasciné par le surréalisme, et de plus en plus tenté par un mode d'expression plus créatif, il prend quelques cours de peinture, et tourne en parallèle ses premiers courts-métrages[5],[6]. Son premier, Un lézard de trop (Een hagedis teveel), se veut un croisement entre Hiroshima mon amour et le cinéma d'Ingmar Bergman[7]. Le deuxième, Rien de particulier (Niets bijzonders), s'inspire plutôt de la Nouvelle Vague[8]. Il obtient son diplôme en mathématiques et physique en 1960[9].

En 1964, il effectue son service militaire dans la Marine néerlandaise, où il est chargé de concevoir la forme des projectiles[6]. Mais, toujours plus animé par son attrait pour l'art, il profite de diverses rencontres pour rejoindre le département audiovisuel. Là, il commence à tourner des documentaires, notamment un film pour fêter le tricentenaire de l'institution (Het Korps Marinier, 1965), pour lequel il reçoit un prix au Festival du film militaire de Versailles. Outre de le familiariser avec la technique sur pellicule, l'expérience lui apporte ainsi un début de visibilité. C'est là qu'il décide d'abandonner la carrière de professeur de mathématiques promise à ses camarades. Il dira en riant : « en fait, je dois tout à l’armée »[6],[10].

1966-1975 : premiers succès[modifier | modifier le code]

À son retour dans le civil en 1966, sa compagne tombe enceinte, et cette brusque paternité l'inquiète pour ses espoirs de carrière au cinéma. En pleine recherche sur lui-même, il se laisse convaincre par un tract reçu dans la rue, et part rejoindre une communauté pentecôtiste. L'expérience est intense, mais il ne tarde pas à y voir une certaine folie, et il y met fin après trois semaines. C'est là qu'il choisit de se « fermer les portes de la perception ». Il développe son goût pour l'hyperréalisme, qu'il fait en quelque sorte son « antidote »[11],[12]. Il est alors engagé par la télévision du pays, où il met déjà ses thèses en application. Son dernier documentaire, paru en 1967, porte sur Anton Mussert, le chef du parti fasciste local. Désireux de laisser chacun donner son avis, quel que soit son degré de désaccord avec les propos formulés, il interviewe d'anciens SS, qu'on voit ainsi s'exprimer pour la première fois à la télévision, ce qui était interdit jusque-là[10].

Son premier succès vient en 1969 avec la série télévisée Floris, qui lui permet de faire la connaissance de Rutger Hauer, avec qui il collaborera durant toute sa période néerlandaise[6]. Il rencontre le scénariste Gerard Soeteman et ensemble ils entament une série de films, qui ne cessera là aussi qu'avec le départ du cinéaste pour les États-Unis[13].

Repéré pour ses premiers travaux, Paul Verhoeven est approché par le jeune producteur néerlandais Rob Houwer, familier du nouveau cinéma allemand, pour adapter un roman d'Albert Mol en le transposant dans le quartier rouge d'Amsterdam[14]. Verhoeven et Soeteman se montrent réticents, le script proposé se révélant tendre à une suite de sketchs sans réelle trame narrative[15], mais ils acceptent quand Houwer leur promet le film qu'ils voudront si celui-ci est une réussite. Qu'est-ce que je vois ? (Wat zien ik!?) sort en 1971. Il s'agit d'une comédie légère centrée sur deux prostituées aux visions opposées sur la profession, et où chaque client est tourné en dérision. Ce premier long-métrage, qui réunit diverses vedettes locales du théâtre et de la télévision[14], remporte un immense succès aux Pays-Bas. Avec 2 359 000 entrées dans les salles nationales, il réussit ce qui reste en la quatrième plus grosse performance de leur histoire[16]. Mais Verhoeven avoue ne pas se reconnaître dans le film, et se souvient surtout de n'avoir pas pu en faire ce qu'il souhaitait vraiment[17]. L'expérience le met toutefois en position de force pour son projet suivant, le sulfureux Turkish Délices (Turks Fruit)[5]. Tiré d'un roman célèbre dans son pays, Loukoum, de Jan Wolkers, il met en scène une histoire d'amour empreinte de libération sexuelle, sur fond de bourgeoisie hollandaise égoïste et figée[2],[18]. Inspiré de nouveau par la Nouvelle Vague[5], Verhoeven s'y attaque férocement aux codes de la bienséance et de la religion[18]. Le film sort en 1973, et remporte un plus gros succès encore que son prédécesseur, puisqu'en attirant 3 338 000 de spectateurs dans les cinémas néerlandais, il détient toujours en 2016 leur record d'entrées[16].

Le cinéaste continue de bâtir sa renommée avec Katie Tippel (1975), où il retrouve le couple principal de Turkish Délices, Rutger Hauer et Monique van de Ven. Adapté de l'autobiographie de la Néerlandaise Neel Doff, Jours de famine et de détresse, il raconte l'ascension sociale d'une jeune fille pauvre à la fin du XIXe siècle, des années de prostitution[N 2] à son accès à la haute société. Alors plus gros budget dans l'histoire du cinéma néerlandais[19], le film marque aussi la première incursion de Verhoeven dans le genre historique[18]. Il enregistre un nouveau bon score au box-office local, avec 1 829 000 entrées, lui assurant toujours en 2016 le neuvième meilleur résultat en salles aux Pays-Bas[16]. Le réalisateur admettra néanmoins plus tard regretter la manière dont il a géré l'histoire, considérant qu'il avait alors sans doute manqué de recul, du fait de son jeune âge, de son obsession pour le sexe et du succès de Turkish Délices[15].

1976-1985 : accession à l'international[modifier | modifier le code]

Photo de Paul Verhoeven pour la première du Quatrième Homme le 23 mars 1983, avec les interprètes Jeroen Krabbé et Renéé Soutendijk
Avec Jeroen Krabbé et Renée Soutendijk, durant la première du Quatrième Homme le .

Le premier succès international arrive en 1977 avec Le Choix du destin (Soldaat van Oranje), sélectionné notamment pour le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère[20]. Tourné sous le parrainage de la reine, présente à l'avant-première[N 3], et avec l'appui de l'armée néerlandaise, il est basé sur les mémoires d'Erik Hazelhoff Roelfzema, légende de la résistance néerlandaise, et annonce en partie le Black Book de 2006[22]. C'est à nouveau le film le plus cher de l'histoire des Pays-Bas[21]. Il met en scène des étudiants de l'Université de Leyde, que Verhoeven a lui-même fréquentée, et apparaît assagi, conçu pour un plus large public qu'à l'accoutumé[5],[23]. Malgré des critiques réservées[24], Le Choix du destin totalise plus d'un million et demi de places vendues aux Pays-Bas[16], et surtout réussit à attirer l’œil au-delà des frontières du royaume[20]. Le réalisateur raconte avoir été félicité pour ce film par Steven Spielberg, qui lui recommande alors de venir s'installer aux États-Unis, où il rencontrerait moins de difficultés à financer ses projets[23]. Il se fait même approcher par la 20th Century Fox pour diriger ce qui deviendra L'Empire contre-attaque, mais le projet est avorté quand le studio découvre son film suivant, le sulfureux Spetters (1980)[25].

Ce dernier est pour Verhoeven une manière de faire contrepoint avec Le Choix du destin, articulé autour du milieu intellectuel néerlandais, en montrant cette fois la part ouvrière de la société. Le script s'inspire également d'une pièce