A-t-on retrouvé les restes de Philippe II de Macédoine, le père d'Alexandre le Grand ?

Bernadette Arnaud

Une nouvelle analyse des os d'une tombe macédonienne de Vergina, en Grèce, aurait permis d'identifier les ossements du célèbre souverain mort au 4e siècle avant notre ère.

Vue latérale de la jambe gauche de Philippe II de Macédoine, montrant une ankylose massive du genou. Le fémur et le tibia ont fusionné ensemble. Le trou visible pourrait résulter de l'impact pénétrant d'un projectile. © Bartsiokas, Arsuaga et al. / PNASVue latérale de la jambe gauche de Philippe II de Macédoine, montrant une ankylose massive du genou. Le fémur et le tibia ont fusionné ensemble. Le trou visible pourrait résulter de l'impact pénétrant d'un projectile. © Bartsiokas, Arsuaga et al. / PNAS

Une tombe peut en cacher une autre ! Philippe II de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand, ne serait pas enterré là où les archéologues le pensaient, à savoir dans la "Tombe II" de Vergina, en Macédoine (Grèce)… mais dans le tombeau à côté ! L’auteur de cette déclaration ? José Luis Arsuaga, l’anthropologue déjà à l’origine de la découverte d’Homo antecessor (1,2 millions d’années) à Atapuerca, en Espagne. Mais c’est cette fois bien loin de ses terrains d’étude privilégiés que le chercheur de l’université Complutense de Madrid, a opéré depuis 2013, comme l’indiquent ces résultats publiés dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Science).

40 ans de controverse qui prennent fin ?

Pour justifier ce changement de tombe, le scientifique affirme avoir identifié formellement les restes du grand souverain macédonien, mettant fin, selon lui, à une controverse qui dure depuis quarante ans. Son examen, réalisé en compagnie de l’anthropologue grec Antonis Bartsiokas de l’université Démocrite, s’est porté sur un squelette partiel retrouvé dans la "Tombe I" de Vergina (lire encadré en bas de cette page). Soit l’une des trois tombes royales découvertes en 1977 par Manolis Andronikos dans le monumental tumulus de 110 m de diamètre de l’antique Aigai, la première capitale de l’ancien royaume de Macédoine, classées depuis 1996 au patrimoine mondial de l’Unesco. Toutes contenaient encore des restes humains. Pour la figure emblématique de l’archéologie grecque qu’était à l’époque Manolis Andronikos, nul doute que la "tombe II" était celle de Philippe II, assassiné en 336 avant notre ère par l’un de ses gardes. Retrouvée intacte, elle conservait une antichambre décorée d’une fresque de 5m de long où l’on pouvait voir Philippe II et son fils adolescent, le futur Alexandre le Grand, chasser le lion. A l’intérieur se trouvaient les os incinérés d’un homme et d’une femme, entourés d’objets somptueux. A qui d’autre qu’au célèbre souverain pouvait bien, en effet, appartenir la cuirasse de fer sertie d’or, le casque de fer, le bouclier de cérémonie, la vaisselle d’or et d’argent, des objets incrustés d’ivoire, le larnax (urne) d’or frappé de l’étoile de Macédoine, ou la précieuse couronne de feuillage retrouvés sur place ?

Larnax en or trouvé à Vergina. © Petros Giannakouris/AP/SIPA

BLESSURE. Ce sont ces certitudes que José-Luis Arsuaga et son équipe viennent aujourd’hui bousculer ! En utilisant des techniques médico-légales de numérisation et de radiographie (tomodensitométrie, reconstructions 3D), les chercheurs auraient en effet identifié sur les os d’un squelette adulte retrouvé dans la "Tombe I" des éléments qui s’accordent mieux à ce que l’on sait de Philippe II. En particulier les traces d’une blessure au genou gauche faite par une lance reçue par le souverain lors d’une bataille trois ans avant sa mort. Un coup qui l’aurait laissé boiteux. Un cas d’ankylose qui serait aujourd’hui encore parfaitement visible sur l’articulation de l’occupant de la "Tombe I", chez qui le fémur aurait carrément fusionné avec le tibia. En outre, ce squelette d’1,80 mètre aurait été celui d’un homme âgé d’une quarantaine d’années, ce qui, là encore, correspond au souverain macédonien, décédé à 45 ans (336 av.J.C). Les restes d’une femme et d’un nouveau-né retrouvés à ses côtés pourraient être ceux de sa dernière épouse Cléopâtre, jeune femme d’origine Scythe âgée de 18 ans, et de leur enfant. Dès lors, qui serait l’occupant de la fastueuse « Tombe II » si ce n’est pas Philippe II ? Pour José-Luis Arsuaga et son équipe, ce serait Philippe III Arrhidée, un demi-frère d’Alexandre, inhumé là après son incinération, (317 av.J.C) en compagnie de son épouse, Eurydice. Ces résultats ne font pas, on s’en doute, l’unanimité. "Cette publication est incorrecte !", a ainsi déclaré sans ambages Théodore Antikas, chercheur à l’université Aristote (Grèce), lui-même auteur d’une autre étude sur les os de ces tombes… non encore publiée. Les grands souverains macédoniens n’ont sans doute pas fini de faire parler d’eux plus de 2000 ans après leur mort !

Vergina 

Le site de Vergina, sur l’emplacement de l’antique Aigai, dans le nord de la Grèce, a été découvert par des Français au 19e siècle. D’importants vestiges y furent exhumés, lors de fouilles réalisées sous l’égide de Napoléon III, parmi lesquels un palais monumental aux somptueux décors de mosaïques et de stucs peints. Mais c’est surtout à partir de 1932, et après la Seconde Guerre mondiale, que fut étudiée une nécropole renfermant plus de 300 tumulus, dont certains remontaient au 9e siècle avant notre ère. C’est là, dans les années 50-60 que Manolis Androniko a mis au jour une nécropole de l’Age du Fer (8-7 siècles av. J.C) dont il a compris l’importance en découvrant quantités d’armes et de parures. Toutefois ce n’est qu’en 1967 que des études menées parallèlement par un géographe britannique, Nicolas Hammond, démontrent que ce site était celui d’Aigai, la première capitale des rois macédoniens. Là où, en 1977, Manolis Andronikos devait percer le grand tumulus de la nécropole et découvrir les trois tombes royales aux riches décors polychromes et fausses façades peintes. Des sépultures fastueuses dont les contenus peuvent être actuellement admirées dans le musée archéologique de Vergina, "l’un des plus beaux musées du monde", selon Sophie Deschamps, Conservateur en chef du patrimoine au musée du Louvre.


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