Le groupe Vivendi, pressé par les marchés de revoir en profondeur sa stratégie et son périmètre d'activités, a officialisé, jeudi 28 juin, le départ de son patron Jean-Bernard Lévy, aux commandes depuis 2002.
Son départ est expliqué sans ambages par l'existence d'une "divergence sur l'évolution stratégique du groupe", dans un communiqué publié à l'issue d'une réunion du conseil de surveillance, réuni un peu plus tôt. M. Lévy est remplacé par Jean-François Dubos, actuel secrétaire général du groupe.
DÉSACCORDS AVEC JEAN-RENÉ FOURTOU
M. Lévy avait été l'artisan du redressement du conglomérat français, après les folles années de la période Messier qui l'avaient laissé exsangue. Le groupe a rappelé que M. Lévy a mené le désengagement des activités de cinéma aux Etats-Unis, la consolidation de SFR, l'acquisition d'Activision et la fusion avec Blizzard et l'acquisition et le développement de GVT, leader brésilien de l'Internet à haut débit.
Mais la position de Jean-Bernard Lévy était jugée fragilisée depuis plusieurs mois en raison notamment des difficultés de SFR, sa principale source de liquidités. Des désaccords avec le président du conseil de surveillance du groupe, Jean-René Fourtou, couvaient par ailleurs depuis des mois, avant d'être révélés le week-end dernier lors d'un séminaire stratégique.
DIFFICULTÉS EN BOURSE
Aujourd'hui, Vivendi vaut moins en Bourse que la somme de ses très prometteuses composantes : les opérateurs téléphoniques SFR (France), Maroc Telecom et GVT (Brésil), l'éditeur musical Universal Music, la chaîne à péage Canal+ et le leader mondial des jeux vidéo Activision Blizzard.
Avant l'apparition des premières rumeurs, le titre stagnait autour de 13 euros, son niveau d'il y a dix ans, quand Vivendi affichait 37 milliards d'euros de pertes et 38 milliards d'euros de dettes. Mais jeudi après-midi, l'annonce du départ précipité de son patron a réjoui la Bourse de Paris, où le titre a terminé en tête de toutes les valeurs du CAC 40, avec un bond de 5,54 % à 14,19 euros.
"Depuis le printemps, le groupe est engagé dans une réflexion stratégique contrainte par les marchés, notamment depuis l'arrivée de Free, nouveau concurrent très agressif sur le marché de la téléphonie mobile, selon une source proche du dossier. Vivendi se pose notamment la question de sortir de son statut de holding qui entraîne une forte décote en Bourse."
Plusieurs scénarios seraient à l'étude dans l'espoir d'un nouveau souffle : une scission ou la vente d'actifs pour un recentrage sur les télécoms ou les contenus. "Personne ne sait quels choix stratégiques ont été arrêtés lors du séminaire, mais Jean-Bernard Lévy a clairement fait savoir qu'il ne les partageait pas. Pour le groupe, son départ serait clairement un tournant, un nouveau départ, mais pas un drame", a résumé la source.
STÉPHANE ROUSSEL PREND LA TÊTE DE SFR
Autre signe de la crise de leadership au sein de la multinationale, l'actuel numéro deux de Vodafone, Michel Combes, qui devait prendre ses fonctions de PDG de SFR en août, après le départ de Jean-Bernard Lévy, qui avait la double casquette, ne viendra pas chez l'opérateur comme prévu. C'est finalement Stéphane Roussel qui va prendre les fonctions laissées vacantes de PDG du numéro deux français de la téléphonie mobile.
La nomination du directeur des ressources humaines du groupe Vivendi à ce poste, au lieu d'un homme de marketing ou d'un gestionnaire, laisse craindre que des mesures drastiques en matière d'emploi pourraient être en gestation chez SFR. Un comité central d'entreprise de l'opérateur se tiendra les 3 et 4 juillet pour aborder le volet stratégique, selon les syndicats.
En mai, la direction du deuxième opérateur mobile, qui emploie 10 000 salariés, avait commencé à préparer les esprits à la mise en œuvre d'un "projet d'adaptation des structures" de l'entreprise bousculée par l'arrivée de Free. Depuis, la presse a fait état de projets de suppression de postes pouvant toucher jusqu'à 1 600 salariés, des chiffres qui sont pour l'heure de l'ordre de la "spéculation", selon certaines organisations syndicales.
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