La métis du tyran ou l'aporie d'un pouvoir malin (Plat., Rép., vin, 565 d - ix, 579 e)*

Récemment, nous insistions sur la présence de la ruse et de la violence dans les portraits du timocrate, de l'oligarque et du démocrate que Platon trace au livre VIII de la République1 . Alors que nous avons volontairement laissé de côté l'analyse de l'homme tyrannique, une note de Zoé Petré nous incite à revenir sur le sujet2; aussi approfondirons- nous la question de savoir en quoi Platon rejoint la tradition qui considère le tyran comme un spécialiste de la ruse, c'est-à-dire comme un être doué de métis. Afin d'établir ce point, il nous faut étudier l'essence et le comportement de l'être tyrannique.

1. L'éducation de l'être tyrannique

Nous avons précédemment suggéré que l'être tyrannique est un enfant aux yeux de Platon3; pour ce faire, nous avons rapproché des passages de la République et des Lois. Parmi ceux-ci, retenons le texte suivant : «Sans berger ni les moutons ni aucun autre bétail ne sauraient vivre, pas davantage les enfants sans quelques pédagogues ni les esclaves sans maîtres. Or l'enfant est de tous les animaux sauvages celui qui est le plus difficile à manier; dans la mesure en effet où il possède au plus haut point une source de réflexion qui n'est pas encore disciplinée, il est rusé, astucieux et le plus insolent des animaux sauvages...» {Lois, VII, 808 d-e). Si notre comparaison est valable, il ressort que l'être tyrannique a un naturel rusé, comme l'enfant. La mauvaise éducation qu'il reçoit renforce cette propension à la ruse.

En effet, le démocrate élève l'être tyrannique qu'est son fils, selon ses mœurs, ce qui équivaut à l'ignorance de la vérité et à une mauvaise