LA FOLIE-DESMARES A CHÂTILLON

À la mémoire de Véronique Jordan-Roman.

Au début du 18e siècle, Châtillon (qu'on dit encore «sous Bagneux ») est un petit village de vignerons et de carriers, comp¬ tant une centaine de feux (90 en 1709, 108 en 1713) soit environ 400 habitants *.

Il relève du fief de Sceaux, que le duc du Maine a racheté en 1701 aux héritiers de Colbert. La proximité de Paris et, surtout, la vue magnifique qu'on a du plateau sur la capitale et ses abords expliquent qu'à cette époque, plusieurs grands bourgeois et per¬ sonnages en vue de Paris voulurent y avoir une maison de campa¬ gne ; l'une de ces folies remarquables subsiste en grande partie, outre quelques autres maisons plus modestes ou plus remaniées : c'est celle construite par le danseur Claude Ballon et aménagée par le banquier Antoine Hogguer pour la célèbre actrice Charlotte Desmares. Cette folie bâtie entre cour et jardin, «à la moderne », a tout à la fois les caractères d'un Hôtel en ville et ceux d'une villa de campagne ; c'est bien une folie au sens presque étymologique (folia : le feuillage) : la maison est mani¬ festement conçue pour la plaisance et les réceptions. On croise là l'autre origine du terme de folie, stultitia : lieu de délices ; au Moyen-Age on employait presque indifféremment l'un ou l'autre terme, ce qui explique le sens moderne, ambigu, du mot «folie » 2. Il n'existe pas de notice sur ce remarquable témoin de la mode des folies à la fin du règne de Louis XIV. Pourtant l'intérêt du bâtiment en lui-même, et sa survie, alors que la plupart des autres domaines de ce genre ont disparu, valent qu'on s'y attarde.

Outre les cartes et guides d'Ile-de-France du 18e siècle, qu'on évoquera plus loin, plusieurs travaux postérieurs font mention de la folie-Desmares, notamment ceux de Troche (1850), Latour

DIX-HUITIÈME SIÈCLE, n° 25 (1993)