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Pierre Jean Jouve en exil à Genève 1941-1944 : inspirateur de la revue Lettres

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Fait partie d'un numéro thématique : Pour une histoire de l'Exil français et belge

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Pierre Jean Jouve à Genève 1941-1944 : inspirateur de la revue Lettres

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Pierre Jean Jouve en exil à Genève 1941-1944 : inspirateur de la revue Lettres

Genève 1941. Pierre Jean Jouve arrive en Suisse après un séjour à Dieulefit et à Cannes. Son exil l'entraîne vers ce pays qu'il connaît bien. Malgré cela, les autorités helvétiques ne l'accueillent pas sans difficulté. Le poète fait d'ailleurs allusion aux embûches dressées sur son chemin à son arrivée clans En Miroir\ Des écrivains comme Edmond Jaloux ou Paul Morand — «auréolés d'un prestige auquel les autorités helvétiques ne restaient pas insensibles [...] en dépit de leurs compromissions avec le régime de Vichy » — se sont établis en Suisse sans trop de difficulté contrairement à Robert Musil, James Joyce ou Pierre Jean Jouve. En effet, Musil vécut dans la précarité la plus totale tandis que les deux autres ont dû faire face à de nombreuses tracasseries administratives malgré les lettres de recommandation appuyant leurs requêtes respectives2.

Jouve sollicite l'appui de diverses personnalités afin d'obtenir l'asile politique3. Universitaires, hommes de lettres ou de l'édition, politiciens, vont lui accorder leur soutien. Tous invoquent le travail littéraire que Jouve doit mener à bien avant son départ et soulignent l'impact de sa poésie, son aura indiscutable sur les milieux intellectuels romands.

Comme Jean de Salis a déjà traité le sujet de l'exil genevois de Pierre Jean Jouve, nous nous intéresserons ici à un aspect particulier de son séjour en Suisse, son rôle d'inspirateur de Lettres puis sa participation à la dite revue4.

Tout exil implique généralement un départ contraint imposé par des risques imminents. Par conséquent, il faut en premier lieu relever que le séjour à Genève de Pierre Jean Jouve a été dicté par les événements tout en restant un choix5. Toutefois, lorsqu'il écrit à Heinrich Rothmund, chef de la police des étrangers, en octobre 1 942 afin d'obtenir une prolongation de séjour, il insiste sur les sanctions prises à l'encontre des écrivains trop engagés et défavorables au gouvernement de Vichy. Jouve rappelle le sort de ses pairs incarcérés pour délit d'opinion6. Privés de leur liberté d'expression, beaucoup se tournent effectivement vers les parutions clandestines. Mais le danger persiste... Souvenons-nous de Decour, Politzer, Solomon fusillés au Mont-Valérien en mai 1942. Cependant, les sympathies manifestes de Pierre Jean Jouve pour la Résistance s'expriment surtout au travers d'une poésie passablement hermétique. Ses vers paraissent clans plusieurs revues opposées à l'Occupation de la France et déterminées à assurer le rayonnement de sa culture par le biais des textes. Durant ces années de tourmente passées en Suisse, Pierre Jean Jouve a d'ailleurs inspiré l'une d'entre elles : Lettres' . Plusieurs intellectuels

fascinés par la personnalité et les écrits du poète se rencontrent régulièrement chez lui, rue du Cloître, à Genève. De leurs discussions est peu à peu née l'idée de foncier une nouvelle revue littéraire. Après un an seulement, Jouve quitte le comité de direction et se consacre à son œuvre personnelle. Une œuvre nourrie par l'exil et liée aux événements dramatiques.

Les soirées Rue du Cloître

Bien avant les sombres événements de 1939-1945, le poète français a séjourné en Suisse à plusieurs reprises. Aussi, des liens se sont noués peu à peu avec des écrivains ou des artistes tels que Balthus ou Giacometti. Durant la Première Guerre mondiale, infirmier volontaire, il contracte une maladie et part en Suisse afin de se soigner. Une profonde amitié naît alors entre Jouve et Romain Rolland, véritable maître à penser. À cette époque-là, Jouve participe à la propagande pacifiste. Mais à l'auteur de 1 4-1 8 qui a écrit Mon poème n'a pas de patrie se substituera peu à peu un poète luttant pour des valeurs telles que l'être, la durée de la nation et de la langue, la liberté8. En 1933, dès l'avènement d'Hitler au pouvoir, Jouve se méfie d'une telle idéologie et désapprouve grandement ce type de régime. Lors du deuxième conflit mondial, il séjourne à nouveau en Suisse, exilé cette fois, et il laisse libre cours à son inspiration. Il soutient bien entendu de Gaulle, que l'appel du 18 juin 1940 a conforté clans ses opinions politiques et son envie de résister.

Malgré l'exil, Jouve ne se confine pas clans la solitude et reçoit régulièrement, rue du Cloître, ses amis d'avant-guerre ainsi que de jeunes intellectuels. Quelques conférences et surtout un travail intense occupent ses journées. À Genève, avec sa femme Blanche Reverchon, il est la figure centrale d'un groupe d'intellectuels. Le couple Jouve n'apprécie guère les réceptions officielles, vit en marge de la société genevoise, ne fréquentant qu'un certain groupe d'amis. Méticuleux à outrance, exigeant avec lui-même et les autres... un tempérament qui lui a parfois causé des ennuis dans ses relations9. L'abbé Journet10, Georges Haldas11, Pierre Emmanuel lors de ses passages à Genève, Pierre Courthion12, Marcel Raymond13, Jean Sta- robinski14, entre autres, gravitent autour de Jouve. Un autre jeune intellectuel, Jean-Léon Donnadieu, a profondément été marqué par la fréquentation de Jouve. Après s'être engagé clans l'armée de l'air en 1939, tenté par l'idée de devenir missionnaire, il quitte la France en passant clandestinement en Suisse. C'est alors que Donnadieu fait la connaissance du poète en exil. Cette rencontre marque le

1 . Pierre Jean Jouve, En Miroir. Journal sans date. Paris, Mercure de France, 1 954.

2. Selon Roger Francillon, Histoire littéraire de Suisse romande. Lausanne, Payot, 1993, t. 3, p. 62.

3. Nombre de personnalités l'ont appuyé clans ses clé- marches : W. Eg I off de la Librairie de l'Université de Fri- bourg, le conseiller national A. Picot, le professeur J.R. de Salis entre autres.

4. « Les années d'exil ». In Pierre Jean Jouve. Paris, Editions de l'Herne, 1972,

p. 172.

5. En effet, aucune menace directe ne l'a forcé à quitter son pays. Jouve dira d'ailleurs plus tard clans ses Mémoires : «Je conviens d'avoir, en une large mesure, choisi l'exil. Ma nature est sauvage et presque toujours insatisfaite. Mieux valait, me disais-je, l'exil que la compromission. » Pierre Jean Jouve, En Miroir. Journal sans date. Paris, Mercure de France, p. 159.

6. Lettre de Pierre Jean Jouve à Rothmund, 2 octobre 1942, Fonds JRS, B-2-JOU. S. 102, ALS, Berne (CH).

7. « Les années d'exil ». art. cité, p. 172.

8. Daniel Leuwers, Pierre Jean Jouve, poète dans la Résistance. In Europe, juillet- août 1 974.

9. « Les colères de Jouve : les années de guerre ont fourni des motifs hautement légitimes à son besoin d'extérioriser son sentiment ; lui est-il arrivé d'être injuste ? Certains l'ont affirmé. Lui- même, clans son Journal sans Date, confesse sa propension pour la rupture, à la fois nécessité et souffrance. » Témoignage tiré de J.R.

De Salis, « Les années d'exil». In Pierre Jean Jouve, Paris, Editions de l'Herne, 1972, p. 176.

10. Charles Journet (1891- 1975j : directeur de la revue Nova et Vetera, d'inspiration thomiste. Fermement enragé contre l'Occupation de la France. Il deviendra Cardinal en 1 965. Ses écrits ont marqué les intellectuels suisses de l'époque.

11. Georges Haldas (1 91 7) : né à Genève. Son père est d'origine grecque. Poète, critique. Il participe au comité de direction de Lettres de 1944 à 1947. Elève d'Albert Béguin au collège, il suit ensuite les cours de M. Raymond à l'Université de Genève. Ses chroniques autobiographiques dépeignent, entre autres, l'atmo-

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