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France

Il y a 80 ans, «l'exil intérieur» des Alsaciens dans le Sud-Ouest de la France

C’est un fait historique largement méconnu. Le 1er septembre 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, un demi-million d’Alsaciens et de Mosellans ont été évacués dans le Sud-Ouest, entre la Dordogne, le Gers et les Landes. Une incroyable opération à l’ampleur inédite, « un départ organisé prévu de longue date par l’état-major français », raconte l’historienne Catherine Schunck, auteure avec son époux François de cinq livres sur le sujet.

Vue sur le pont de la Dordogne à Strasbourg.
Vue sur le pont de la Dordogne à Strasbourg. CC 3.0/Wilfred HELMLINGER
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À la veille de la déclaration de guerre, une bataille le long du Rhin apparaissait comme l’hypothèse la plus crédible. C’est pour éviter un bain de sang de civils et pour laisser le champ libre aux troupes sur la ligne Maginot que quelque 275 000 Alsaciens et 210 000 Mosellans habitant près de la frontière allemande sont évacués entre le 1er et le 3 septembre 1939, selon les chiffres du Mémorial Alsace-Moselle.

Par train et jusque dans des wagons à bestiaux, les évacués sont transférés vers les Charentes, la Dordogne, la Vienne, la Haute-Vienne, les Landes, mais aussi la Corrèze, le Gers, les Hautes-Pyrénées et le Lot-et-Garonne. En moins de 48 heures, Strasbourg se vide de 120 000 personnes. On retire les vitraux de la cathédrale, des sacs de sable sont disposés pour protéger les monuments, et moins de 4 000 habitants restent sur place sous la houlette du maire de la ville, Charles Frey, essentiellement pour éviter les pillages.

Une affiche diffusée dans 417 communes d’Alsace et de Moselle ordonne au son strident du tocsin une évacuation « immédiate et sans délai ». Des instructions ont été remises aux élus des communes concernées dans des enveloppes portant la mention « top-secret ». À peine trente kilos de bagage, quatre jours de vivres, pas plus. Et seulement quelques heures pour abandonner son foyer.


 Trois questions à Catherine Schunck

Comment l’évacuation d’un demi-million de personnes a-t-elle été planifiée ?

Lorsque l’on a construit la ligne Maginot à partir de 1935, on pensait qu’il y aurait des combats sur cette zone et l’état-major français a pensé tout de suite à faire un plan pour évacuer les populations civiles qui habitaient à côté. Le plan a été élaboré en même temps qu’on construisait la ligne.

C’était un plan qui relevait du secret militaire, il n’y avait que les préfectures concernées qui étaient au courant, elles ont contribué à envisager où pourraient être hébergées les populations évacuées. Le plan prévoyait que le jour de la mobilisation générale, c’est-à-dire avant la déclaration de guerre, en l’occurrence le 1er septembre 1939, c’était le signe du départ pour les populations qui étaient évacuables.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, on a pensé qu’il y aurait une revanche et une nouvelle guerre, et l’on a donc réfléchi à comment on pouvait se défendre contre une invasion allemande, d’où la construction de la ligne Maginot. Ils vivaient sur la mémoire de ce qui s’était passé pendant la guerre de 14-18 où des populations entières ont péri à cause des combats qui avaient lieu dans cette zone de l’Est. Évacuer les populations pour les mettre à l’abri allait permettre aussi aux troupes de manœuvrer plus facilement.

Pourquoi cette évacuation est-elle restée méconnue dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ?

Sur le plan militaire, il ne s’est rien passé, c’était la « drôle de guerre », il n’y a pas eu de combats donc les populations n’ont pas été bombardées sur leur trajet. La presse nationale a commencé à en parler entre octobre et novembre 1939. C’est à ce moment-là que la presse découvre que Strasbourg est à Périgueux !

Mais à peu près 15% des évacués ne sont pas revenus. Pour les évacués les plus âgés, cela a été un drame parce qu’ils ont tout quitté du jour au lendemain. Plusieurs décès ont d’ailleurs été constatés dès l’arrivée en Dordogne, certains n’ont pas supporté le mal du pays. Pour les témoins qui vivent encore aujourd’hui, qui étaient jeunes à l’époque, âgés d’à peine une dizaine d’années, pour eux c’était des vacances, une belle aventure. Les choses se sont plus ou moins bien passées, mais tout le monde avait appris à se connaître. À part ceux pour qui cela s’est très mal passé, avec le temps on oublie un peu les mauvais souvenirs. Et puis la question des « Malgré-Nous » occulte un peu en Alsace la mémoire de l’évacuation. Et en Dordogne c’est la question de la mémoire de la résistance qui prend le pas sur tout le reste. Voilà pourquoi on a un peu de mal à faire connaître cet événement.

Que reste-t-il 80 ans plus tard de cette évacuation sans précédent ?

Il y a eu un certain nombre de jumelages entre les communes alsaciennes évacuées et les communes du Sud-Ouest qui les ont accueillis. Ces jumelages fonctionnent très bien, il y a des échanges réguliers. Ils n’ont pas été créés tout de suite, mais à partir des années 1970 et 1980. Une conseillère départementale du Haut-Rhin récemment rencontrée me confiait que son département avait été évacué largement dans le Lot-et-Garonne et que depuis la fin de la guerre les deux départements se sont rencontrés tous les ans à tour de rôle, venant passer quelques jours chez l’autre. Ces liens restent.

Sur le plan des traces matérielles, à part des noms de rue, on ne peut pas dire qu’il reste grand-chose. Il y a des stèles, des plaques commémoratives, comme à Périgueux, où a été érigée une stèle commémorative pour le quarantième anniversaire en 1979, et une autre pour le cinquantième en 1989. Il y a une plaque sur un petit bâtiment qui a abrité la mairie de Strasbourg pendant un certain temps. Vous avez aussi une plaque du souvenir sur le pont de la Dordogne à Strasbourg, en hommage aux Périgourdins qui avaient accueilli. On trouve aussi sur certaines maisons des graffiti, des gravures d’Alsaciens qui ont laissé leur signature en quelque sorte.


À consulter

Le site de Catherine et François Schunck auteurs de cinq livres sur l'évacuation de l'Alsace et de la Moselle en 1939

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