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ecrire la ville
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« Prenez un mot, prenez-en deux faites cuire comme des �ufs, prenez un petit bout de sens puis un grand morceau d'innocence, faites chauffer � petit feu au petit feu de la technique, versez la sauce �nigmatique saupoudrez de quelques �toiles, poivrez et puis mettez les voiles.
O� voulez-vous donc en venir ? �crire vraiment ? � �crire ? »
Raymond Queneau

« Au fond, je me donne des r�gles pour �tre totalement libre. »
Georges Perec

textes d'appui
Les h�ritiers de Queneau et de Perec poursuivent chaque mois à la BnF leurs joutes et leurs jeux avec la langue fran�aise, la narration et l'humour.

Quand l'Ouvroir de Litt�rature Potentielle rencontre la ville, il invente des objets urbains �tranges, sugg�re des parcours contraints, joue avec les signes qui envahissent la ville, modifie les mouvements et le regard... Troll de Tram, textes du Tramway de Strasbourg (1994), Seul astre exact un livre, po�me de fa�ade de la biblioth�que de l�universit� Paris VIII Vincennes Saint-Denis (1996), les Douze mois � Carrefour-Pleyel, po�mes muraux d'une station du m�tro parisien (2001), Les Clous de l�Esplanade, promenade po�me sur la place centrale de Rennes : autant de r�alisations faisant �cho aux "textes anaglyphiques" et autres "holopo�mes" que Fran�ois Le Lionnais �voquait, en 1973, dans la "Bo�te � id�es" de La Litt�rature potentielle.

Fond� en 1960 par Fran�ois Le Lionnais et Raymond Queneau, l'Oulipo rassemble �crivains, peintres et math�maticiens qui usent de r�gles et de contraintes comme d'un processus cr�atif permettant d'inventer de nouvelles formes po�tiques ou romanesques. C'est un mouvement associatif qui compte aujourd'hui trente-quatre membres "dont treize sont excus�s pour cause de d�c�s". Trois membres actifs participent � l'atelier : Marcel B�nabou, Herv� Le Tellier et Jacques Roubaud.

par Herv� Le Tellier

Oulipo signifie Ouvroir de Litt�rature potentielle et d�signe un groupe de travail international d��crivains. Ouvroir doit �tre un mot un peu bizarre, puisque mon traitement de texte s�acharne � le souligner en rouge. L�Oulipo est un lieu o� l�on �uvre, o� l�on ouvre. On �uvre sur de la li, c�est-�-dire de la litt�rature, et m�me de la lipo, c�est-�-dire de la litt�rature potentielle, potentielle parce qu�elle touche aux potentialit�s ouvertes dans la litt�rature par une contrainte, une structure, ou une forme. C�est l�omnipr�sence de la contrainte, de la structure et de la forme dans la Ville qui explique l�int�r�t que lui portent depuis toujours l�Oulipo et ses membres.
Que l�Oulipo intervienne sur la Ville elle-m�me ne doit pas surprendre. Pour l�Ouvroir, l�acte d��criture, comme l�acte de lecture, ne se divise pas et ne s�est jamais limit� � la forme traditionnelle du livre. Non seulement tout, pour le groupe, peut �tre sujet de litt�rature, mais tout peut �tre support de litt�rature : les murs, les colonnes, les trottoirs, les fen�tres, et bien s�r les bancs publics� C�est sans doute pourquoi, depuis pr�s de quinze ans, l�Oulipo a �t� convoqu� par des villes, comme celle de Strasbourg, de Rennes, de Paris, ou des architectes, comme Pierre Riboulet, Emmanuelle et Xavi�re Bouyer, Nicolas Michelin, dans le cadre de projets urbains ou architecturaux.
L�Oulipo se vit aussi bien comme artisan que comme artiste. Afin d�intervenir dans cet univers, il a naturellement collabor� avec d�autres artisans et d�autres artistes / des typographes, des plasticiens, des peintres, des photographes, des sculpteurs, des vid�astes, comme Philippe Favier, Odile Fillon, Jacques Bertin, Pierre Laurent, Xavier Gorce, Jean-Baptiste Decav�le. J�en oublie �videmment, et je les prie de me pardonner.
Il n�y a pas de discours th�orique de l�Oulipo sur la litt�rature et l�esth�tique. Il n�y en pas non plus sur la ville ou l�architecture. L�ouvroir aborde la Ville comme le lieu possible d�une convergence entre po�tique et politique : la po�tique con�ue comme un �cart, comme un �tonnement, comme un jeu. Le politique per�u comme une exigence de lien social, comme une demande de collectif, comme une interrogation sur la place que nous occupons dans le monde. Ce tissu qui maille �troitement po�tique et politique est bien s�r celui qui relie tous les hommes entre eux, le langage.

La ville, le � tissu urbain � fascinent l�Oulipo par leur potentialit�. L�Ouvroir de litt�rature potientielle ne saurait oublier l�origine commune des mots tissu et texte. � la ville, tout oulipien a fait dans son �uvre une r�f�rence explicite. On songe � Courir les rues de Queneau, aux Villes invisibles de Calvino, au projet Lieux de Perec, � La forme d�une ville change plus vite, h�las, que le c�ur des humains, de Roubaud, aux Po�mes de m�tro de Jouet, aux Nuages de Paris de Caradec, � d�autres encore. L�oulipien sillonne la ville, elle devient sous sa plume le th��tre de trajets multiples et impr�visibles, qui ne deviennent pas toujours des destins, mais toujours des po�mes, des romans, des fragments.
Il y a aussi, inversement, de la civilit� dans la contrainte, une r�elle urbanit�, au double sens du mot. Est-ce pour cette raison que les �lus des villes, les architectes, se sont int�ress�s � l�Ouvroir ? Ils l�ont en tout cas souvent convoqu� afin qu�il intervienne dans leurs projets, qu�il ins�re dans un univers de codes les siens propres. L�Oulipo dit simplement ceci : parce que l��criture est au c�ur de la ville, que la ville peut se lire comme un livre, on peut y faire p�n�trer un texte qui ne soit ni utilitaire, ni publicitaire. On peut y faire vivre un texte qui joue avec le regard, qui l�accroche, l��tonne, le retient. On peut y faire na�tre une �uvre lisible, imm�diate et �trange, qui voudra �garer, perturber un ordonnancement parfois s�culaire. C�est une d�finition possible de la po�tique. Tout jeu dans la ville, sur la ville, est aussi un jeu sur la m�moire collective, un jeu sur ce patrimoine enfoui sous les noms des voies, des jardins et des monuments, des stations de bus ou de m�tro. Car si la ville est pleine � craquer de signes, elle poss�de ceci de commun avec le langage qu�elle a laiss� s�installer en son sein des zones � cuites �, dont les gen�ses, avec le temps, ont �t� oubli�es : l�intervention oulipienne soul�ve une interrogation, un doute, qui, sans d�magogie et m�me sans p�dagogie, poussent chacun � questionner sa place dans la cit�. L�encre fait ici ancre. C�est une d�finition possible de la politique.

d'après le n°68 de La Bibliothèque Oulipienne (octobre 94).

Quatre-vingt-seize textes pour le tramway de Strasbourg, dispos�s sur les colonnes des stations (1994)
  Feuilletoir Troll de Tram

À Strasbourg, l'Oulipo innove, non pas en inventant des structures ou des contraintes littéraires nouvelles, mais en adaptant des contraintes existantes à la nature et aux dimensions du support proposé : les colonnes du tramway. Outre ses considérations matérielles imposant des textes courts aisément lisibles, il s'agit de « donner à l'usager du tramway – voyageur transformé pour la circonstance en lecteur – pendant les quelques instants qu'il est amené à passer dans une station, un ensemble de texte qui éveillent sa curiosité et/ou son intérêt par leur caractère instructif et/ou distrayant. Les textes proposés appartiennent à quatre séries : variations homophoniques, notices toponymiques, récit en beau présent et langage cuit. Ils sont le résultat de l'exploration, par des méthodes oulipiennes éprouvées, des diverses potentialités contenues dans le matériel verbal fourni par le tramway de Strasbourg. Ils prennent naturellement la forme ironique ou ludique qui caractérise la plupart des productions oulipiennes. »

Variations homophoniques
Il s'agit ici d'exploiter les possibilités offertes par la dislocation phonique des six syllabes de la séquence : Le tramway de Strasbourg. Cette dislocation a permis d'obtenir trente-deux nouvelles séquences, phonétiquement voisines (par exemple : Les trois muets de cédrats se bourrent ou Le drame hué : des stars boudent), qui ont servi de matrices aux trente-deux histoires brèves ainsi composées.

Notices toponymiques
Destinées à apporter au voyageur un éclairage, aussi érudit qu'inédit, sur les origines supposées du nom de la station, les notices toponymiques empruntent la forme d'un article de dictionnaire. Il ne s'agit pas de s'astreindre à une stricte rigueur historique ou étymologique, mais de laisser déborder la fantaisie et l'imagination, dans une démarche oulipienne baptisée "l'histoire revisitée". Ainsi le voyageur est-il transporté en imagination dans les univers les plus divers, et les plus inattendus.

Récit en beau présent
Ce récit se présente comme un véritable feuilleton : il raconte une histoire – celle de la belle et impulsive Anna, aux prises avec le policier Léo et le rat Otto – à raison d'un épisode par station. Comme l'impose la contrainte du "beau présent", seules sont utilisées, pour chaque épisode, les lettres figurant dans le nom de la station.

Langage cuit
Cette série utilise les ressources du "langage cuit", expression empruntée à Robert Desnos, qui désignait ainsi ce qui, dans le langage courant, relève de locutions toutes faites. L'on a ici accumulé, jusqu'à la saturation, des formules de toutes sortes (proverbes, dictions, citations familières, refrains, titres de livres ou de chansons), dans lesquelles ont été introduits, aux places-clés, les mots tram ou tramway. Il se crée ainsi ce qui, autour de ces mots inlassablement répétés et placés en quelque sorte au centre des préoccupations du langage, une sorte de litanie, que le voyageur-lecteur est invité à compléter en y introduisant ses propres références.

Deux cents clous pour l'esplanade Charles-de-Gaulle � Rennes (projet en cours)

L�esplanade s'�tend devant la gare centrale de Rennes, non loin des Champs Libres, la biblioth�que-mus�e-cit� des sciences con�u par architecte Christian de Portzamparc qui abrite la M�diath�que et Mus�e de Bretagne. Au c�ur de la ville, cette place n�vralgique se devait d'accueillir des �uvres d'art� jusque dans le parking o� interviendra l�artiste Val�rie Jouve !
"Nous voulons de la culture dans tous les recoins, que les Rennais s�emparent du lieu et qu�il serve � la cr�ation de nouveaux �v�nements", dit-on � la Mairie.
Le projet oulipien est de "cr�er des parcours de mots en forme d'�nigme, en maillant l'esplanade avec plus de deux cents clous sur lesquels sont grav�s des mots, pr�cise Marcel B�nabou. � chacun, ensuite, de reconstituer une phrase conduisant � l'�nigme et d'en trouver la clef". Les gens composeront leur po�me en se promenant : ils liront les mots des clous et selon leur itin�raire, composeront un po�me diff�rent, dans un sens ou dans l'autre, selon le principe du palindrome. (Il s'agit d'un mot ou d'une phrase qui peut se luire dans les deux sens, comme le mot radar, le pr�nom �ve, la ville de Laval ou le verbe ressasser.)
Ainsi plusieurs histoires prendront forme les promeneurs se rencontrant pourront comparer les po�mes compos�s de leurs pas.