Transformations de Lyon sous le Second Empire

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La rue de la République, à ses débuts « rue Impériale », créée sous le Second Empire.

La ville de Lyon, sous le Second Empire, est profondément et durablement transformée par des travaux de grande ampleur.

Contexte : les opérations menées sous l'Ancien Régime et durant la Restauration[modifier | modifier le code]

Les opérations urbaines menées à Lyon durant le Second Empire sont la continuité de celles menées à la Restauration, particulièrement de Louis-Philippe, et la maîtrise d'œuvre de Benoit Poncet et de Jean-Amédée Savoye.

Plusieurs raisons expliquent cette vague de rénovation urbaine.

La viabilisation des rives du Rhône et de la rive gauche[modifier | modifier le code]

La viabilisation des berges du Rhône, longtemps inhabitables, a débuté depuis les années 1750 et a permis de considérablement agrandir la ville. La première viabilisation d'ampleur s'est faite au sud de l'actuelle Gare Perrache. De grands travaux rendent les marais et îlots du sud de la Presqu'île praticables et prêts à l'urbanisation. Par ailleurs, les terres viables ainsi créées doivent permettre une amélioration de la route allant vers le Languedoc, et autoriser l'implantation de nombreux moulins hydrauliques sur les rives endiguées. Les travaux, encadrés par Antoine Michel Perrache et Guillaume Marie Delorme, et financés par la Compagnie des Intéressés aux Travaux du Midi à Lyon, commencent en 1771[1]. Mais des erreurs de calcul entachant le projet ainsi que l'hostilité de propriétaires craignant de voir la valeur foncière baisser avec cette nouvelle offre font obstacle aux travaux. Seule la digue supportant la route, ainsi que le premier pont de la Mulatière, sont réalisés. Face à ces difficultés, un des projets envisagés est de faire de cet espace un lieu réservé aux protestants ou aux Juifs. À la mort de Perrache, en 1779, les travaux sont délaissés, la compagnie faisant face à plus de deux millions de livres de dettes. Le roi rachète la dette en devenant propriétaire des terrains en 1784, mais la Révolution porte le coup de grâce aux travaux[2].

La véritable viabilisation concerne la rive gauche du Rhône, qualifiée alors indistinctement de « Guillotière ».

Les révoltes des Canuts[modifier | modifier le code]

La seconde raison des transformations profondes de Lyon est sociale. De 1831 à 1834, deux révoltes soulèvent les canuts, partant de la Croix-Rousse et embrasant la quasi-totalité de la ville. En 1848 et 1849, de nouvelles insurrections, dites « des Voraces », ont lieu. Face à ces révoltes populaires, le pouvoir est démuni et cherche à contrôler ces populations jugées dangereuses. Pour cela, des arrondissements seront créés.

Les opérations[modifier | modifier le code]

C'est sous le Second Empire que l'essentiel des rénovations urbaines a lieu. Le préfet du Rhône (gérant la mairie de Lyon) Vaïsse[note 1] entreprend ces amples transformations, à l'instar d'Haussmann à Paris, à la fois pour des raisons de prestige et de sécurité. Toutefois, n'ayant pas de véritable rupture entre la politique urbaine menée par Jean-Amédée Savoye et Benoit Poncet, d'une part, et celle menée par Vaïsse d'autre part[4].

Il s'appuie pour cela sur ses fonctions d'administrateur du département et de la mairie de Lyon, et sur des hommes : l'ingénieur en chef de la voirie, nommé en 1854, Gustave Bonnet et l'architecte Benoit Poncet, qui réalise la Rue Impériale (actuelle rue de la République) dans les années 1850[5]. La Guillotière, La Croix-Rousse et Vaise sont rattachés à Lyon en 1852[6] ; à cette occasion, la ville de Lyon est découpée en cinq arrondissements (le 3e comprenant alors les 6e, 7e et 8e et le 9e étant englobé dans le 5e). La numérotation est conçue comme empêchant des revendications identitaires de quartiers à la mémoire locale forte[7].

Presqu'île[modifier | modifier le code]

Les premières opérations touchent principalement la Presqu'île qui fait l'objet de travaux d'ampleur : création à partir de 1853 d'une première percée Nord-Sud, la rue Impériale, devenue aujourd'hui rue de la République qui s'articule sur la place Impériale, aujourd'hui place de la République. Lors de cette première phase seront réalisés :

La deuxième percée, à partir de 1859, la rue de l'Impératrice - aujourd'hui rue Édouard-Herriot - relie comme la première le quartier des Terreaux avec la place Bellecour ponctuée par la place des Jacobins. Cette percée s'accompagne, à l'instar de la première, de l'élargissement des rues latérales, comme la rue Raisin, devenue Jean-de-Tournes, des rues de la Poulaillerie, Grenette, Dubois, etc. (noms issus d'activités existantes dans la rue), tout comme du percement de la rue Centrale prolongée, aujourd'hui rue Gasparin au travers des jardins de l'ancienne préfecture du Rhône dont une rue latérale garde le souvenir. Ces grandes percées s'accompagnent de l'agrandissement des quais et de la construction des halles de Lyon en 1859.

La Guillotière[modifier | modifier le code]

Après le rattachement de La Guillotière (1852), l'urbanisation de la rive gauche s'accélère. Le cours Gambetta est percé à partir de 1860. Le parc de la Tête d'Or est créé aux confins de la ville, inauguré en 1857.

Croix-Rousse[modifier | modifier le code]

Au nord de la ville, le rempart de la Croix-Rousse est rasé (1865) et le boulevard de la Croix-Rousse, alors boulevard de l'Empereur est aménagé à son emplacement à partir de 1867. Sur les pentes de la Croix-Rousse, la rue Terme est percée et le quartier de la place Sathonay est relié au sommet de la colline par le funiculaire de la rue Terme, inauguré en 1862.

Autres opérations[modifier | modifier le code]

Le quartier Saint-Paul fait l'objet de travaux importants avec l'élargissement de la rue de l'Angile, le percement de l'actuelle rue François-Verdier qui marque la disparition du quartier et de la place l'Ancienne douane, et le percement de la rue Octavio-Mey pour relier le pont la Feuillée avec la future gare Saint-Paul (1876), cette dernière opération débute avec les premières expropriations au cours de l'année 1861.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les maîtres d'œuvre de ces transformations sont surtout l'architecte en chef de la ville Tony Desjardins puis René Dardel et l'ingénieur en chef de la voirie Gustave Bonnet[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Félix Rivet 1946, p. 125.
  2. Félix Rivet 1946, p. 126.
  3. Dominique Bertin 1994, Introduction, p. 50.
  4. Dominique Bertin 1994, « Les hypothèses d'un projet », p. 51.
  5. Pelletier et al. 2007, p. 705.
  6. Pierre-Yves Saunier 1992, « Introduction générale », p. 12.
  7. Pierre-Yves Saunier 1992, Chapitre 2, « Esquisse d'une cartographie mentale ». — II. Situer, nommer. — B. Nommer. — 2. Noms d'espaces. — b. Les appellations administratives et leur logique, p. 144-145.
  8. Jean Dabonneau, le propriétaire de À la ville de Lyon transférera en 1866 son enseigne sur la Place des Terreaux. Le magasin sera liquidé le .

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Félix Rivet 1946] Félix Rivet, « Le quartier Perrache, contribution à l'histoire et à la géographie de Lyon », Les Études rhodaniennes, Persée, vol. 21, no 3,‎ , p. 125-130 (DOI 10.3406/geoca.1946.5247, lire en ligne) ;
  • [Arlaud & Bertin 1991] Catherine Arlaud (dir.) et Dominique Bertin (dir.), « De la rue Impériale à la rue de la République : archéologie, création et rénovation urbaines », Les dossiers des Archives municipales, Archives municipales de Lyon, vol. 2,‎ , p. 1-85 (ISBN 2-908949-02-4, ISSN 1159-3644) ;
  • [Pierre-Yves Saunier 1992] Pierre-Yves Saunier, Lyon au XIXe siècle : les espaces d'une cité, Lyon, Université Lumière Lyon-II, , 1279 p. (lire en ligne) ;
  • [Dominique Bertin 1994] Dominique Bertin, « Lyon 1853-1859 : l'ouverture de la rue impériale », Revue de l'Art, Persée, vol. 106, no 1,‎ , p. 50-58 (DOI 10.3406/rvart.1994.348173, lire en ligne)
  • [Anne-Sophie Clémençon 1997] Anne-Sophie Clémençon, « Le plan Crépet de 1845 : projet utopique ou modèle pour le troisième plan d’extension de la Guillotière », dans Jeanne-Marie Dureau, Forma urbis : les plans généraux de Lyon du XVIe au XXe siècle, catalogue d’exposition des Archives municipales de Lyon, Lyon, Archives municipales de Lyon, coll. « Les dossiers des Archives municipales » (no 10), (ISBN 2-908949-18-0, ISSN 1159-3644, lire en ligne), p. 103-110 ;
  • [Anne-Sophie Clémençon 1999] Anne-Sophie Clémençon, La fabrication de la ville ordinaire : Pour comprendre les processus d'élaboration des formes urbaines, l'exemple du domaine des Hospices Civils de Lyon : Lyon-Guillotière, Rive gauche du Rhône, 1781-1914 (thèse de doctorat d'histoire de l'art sous la direction de François Loyer), Lyon, Université Lumière Lyon-II, , 842 p. (OCLC 496164659) ;
  • [Bernard Gauthiez 1999] Bernard Gauthiez, Lyon, entre Bellecour et Terreaux : urbanisme et architecture au XIXe siècle, Lyon, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, , 132 p. (ISBN 978-2-84147-067-9) ;
  • [Bertin & Mathian 2008] Dominique Bertin et Nathalie Mathian, Lyon : silhouettes d'une ville recomposée : architecture et urbanisme, 1789-1914, Lyon, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, , 360 p. (ISBN 978-2-84147-199-7, OCLC 316301567)

Autres ouvrages utilisés dans l'article[modifier | modifier le code]