Vaccins anti-Covid-19 et cas de thrombose : données internationales de pharmacovigilance

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Publiée le 16 avril 2021 dans l’European Respiratory Journal, une étude française a cherché à évaluer le risque de thrombose et a classifié les cas d’événements thrombotiques après vaccination contre la Covid-19. Pour ce faire, l’équipe du Pr David Smadja (service d’hématologie biologique, Hôpital Européen Georges Pompidou, Inserm, AP-HP), a utilisé des données internationales de pharmacovigilance. Il en ressort que le taux de notification d’événements thrombotiques survenus après injection de trois vaccins, en l’occurrence ceux de Pfizer-BioNtech, de Moderna et d’AstraZeneca, est très faible, confirmant ainsi la rareté de ces effets indésirables post-vaccinaux.

Les chercheurs ont comptabilisé le nombre de thromboses veineuses et artérielles notifiées entre le 13 décembre 2020 et le 16 mars 2021 à la base de données Vigibase du centre collaborateur de l’OMS pour la pharmacovigilance internationale (Uppsala, Suède).

Au total, 2161 événements thrombotiques ont été rapportés, dont 1197 notifications pour le vaccin de Pfizer, 325 pour celui de Moderna et 639 pour celui d’AstraZeneca, sur une période de 94 jours. Provenant de nombreux pays dans le monde, ces déclarations d’effets secondaires hématologiques post-vaccination anti-Covid-19 sont intervenues à un instant quelconque au cours d’une période s’étalant sur 94 jours. L’analyse des données montre que 0,21 cas d’événements thrombotiques sont survenus par million de personnes vaccinées par jour.

Le taux de notification des événements thrombotiques veineux a été de 0,075 cas pour un million de vaccinés/jours. Il était de 0,13 cas pour un million de vaccinés/jours pour les événements thrombotiques artériels. Les résultats de cette étude attestent donc la grande rareté des cas de thrombose rapportés aux systèmes de pharmacovigilance.

Concernant cette fois la thrombose veineuse cérébrale, cet effet indésirable a été signalé après administration du vaccin Moderna (0,9 % des complications rapportées chez des sujets de 30 à 37 ans et survenues entre 2 et 39 jours après vaccination), du vaccin AstraZeneca (1,1 % des événements notifiés et apparus entre 2 et 16 jours chez des vaccinés âgés de 19 à 59 ans) ou encore du vaccin Pfizer (0,4 % des effets indésirables signalés entre J1 et J10 chez des personnes de 30 à 84 ans). Le plus souvent, il s’agit d’une forme particulière de thrombose veineuse cérébrale appelée thrombose des sinus veineux cérébraux, le caillot étant localisé dans des veines du cerveau.

Cinq des sept cas de thrombose veineuse cérébrale rapportés chez des personnes ayant reçu le vaccin d’AstraZeneca présentaient une thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes sanguines).

Dans un de ces cas, la thrombopénie a été associée à un syndrome proche de ce qu’on observe en cas d’un trouble immunologique d’origine médicamenteuse, en l’occurrence dans la thrombopénie induite par l’héparine (TIH) au cours de laquelle l’organisme produit des anticorps reconnaissant ce médicament anticoagulant comme étranger. Depuis, plusieurs équipes allemandes et autrichiennes ont décrit des cas similaires, baptisés en anglais Vaccine-Induced Immune Thrombotic Thrombocytopenia et que des hématologues français ont choisi de dénommer « pseudo-TIH post-vaccination ».

Un panorama à un instant donné des déclarations de cas de thrombose

Plusieurs limites sont inhérentes à ce type d’étude reposant exclusivement sur des déclarations volontaires. Il s’agit, répétons-le, de notifications, autrement dit de cas signalés dans le monde et remontés spontanément par des professionnels de santé. Pour cette raison et parce que des pays ne communiquent pas les effets secondaires dans la base de pharmacovigilance de l’OMS, il est donc impossible d’estimer l’incidence réelle des effets indésirables par rapport au nombre de vaccins administrés. Ceci explique que « cette étude livre des données observationnelles permettant la détection de signaux correspondant à des effets secondaires dans une vaste population de sujets vaccinés. En revanche, elle ne permet pas de tirer des conclusions d’ordre épidémiologique, comme d’évaluer la fréquence de survenue de cas d’effets indésirables », souligne David Smadja.

Idéalement, la meilleure façon d’évaluer les événements thrombotiques dans la population vaccinée serait de comparer l’apparition de ces évènements dans deux populations de même taille, issues d’un même pays, étudiée pendant une même période, l’une constituée de sujets vaccinés et l’autre de témoins non vaccinés, ce qui est évidemment illusoire.

Cette étude a ainsi permis d’évaluer le nombre de fois où un effet indésirable thrombotique a été spontanément rapporté après vaccination anti-Covid-19. Pour autant, ces données de pharmacovigilance n’autorisent pas à en déduire quoi que ce soit en matière d’incidence des thromboses et ce, pour la simple raison que l’on ignore si certains cas n’ont pas été sur-déclarés, voire sous-déclarés. Tous les spécialistes en pharmacovigilance le savent, la médiatisation d’un effet secondaire grave telle qu’une thrombose veineuse cérébrale profonde ou une coagulation vasculaire disséminée (CIVD, présence de multiples caillots sanguins dans la circulation de plusieurs organes) peut donner lieu à une sur-déclaration. Les spécialistes parlent alors de biais de notoriété. À l’inverse, un effet secondaire mineur (phlébite) ou sans gravité car rapidement résolutif (accident ischémique transitoire) peut ne pas avoir été notifié, ce qui entraîne une sous-notification.

Que retenir des informations obtenues à partir d’une base de données de pharmacovigilance incluant une population vaccinée quinze fois plus importante que celle analysée par l’Agence européenne du médicament ? Tout d’abord, il apparaît que des événements thrombotiques veineux et artériels, y compris des thromboses veineuses cérébrales, ont été notifiés après administration du vaccin Pfizer, Moderna et AstraZeneca, et ce avant même la médiatisation de ces effets secondaires. Il apparaît ensuite que ces effets indésirables post-vaccinaux sont rares. Surtout, le nombre de notifications de troubles hématologiques est sans commune mesure avec la fréquence des complications thrombotiques veineuses (14 %) et artérielles (4 %) observées au cours de la Covid-19.

« En dehors des cas de thrombopénie associée à des anticorps activant les plaquettes et dirigés contre PF4 [platelet factor 4]*, il ressort, à partir de plus de 2 000 notifications fournissant un panorama des données de pharmacovigilance parvenant à l’OMS, qu’il n’y a pas de signal indiquant que les personnes vaccinées font plus de thromboses veineuses ou artérielles que celles non vaccinées », me déclare David Smadja. « Les autres évènements thrombotiques surviennent très rarement, ce qui ne permet pas de conclure à un risque accru de thrombose lié à la vaccination, quel que soit le vaccin », ajoute ce spécialiste.

Les bénéfices de la vaccination l’emportent donc de loin sur le risque d’effet indésirable grave. « On vaccine actuellement à grande échelle, avec chacun de ces trois vaccins, des personnes de plus de 55 ans. Or il n’y a pas de signal pertinent pour dire qu’ils font plus souvent un infarctus du myocarde, un AVC ou une embolie pulmonaire, que les gens de même âge non vaccinés », insiste le Pr Smadja.

Concernant le vaccin Pfizer, 31 % des cas étaient des événements thrombotiques veineux et 68 % des thromboses artérielles. Ces chiffres étaient respectivement de 24 % et 78 % pour le vaccin Moderna. Des résultats comparables entre les deux vaccins à ARN messager. Les chercheurs font remarquer un taux de notification fort différent de thromboses veineuses et artérielles entre les vaccins à ARN messager et le vaccin AstraZeneca. En effet, une proportion comparable de thromboses veineuses et artérielles (52 % et 48 %, respectivement) a été observée avec le vaccin AstraZeneca.

Le délai entre la survenue d’une thrombose veineuse et la vaccination a été comparable entre les trois vaccins. Il a été en moyenne de six jours pour le vaccin AstraZeneca et quatre jours pour les deux vaccins à ARN messager. Concernant la survenue d’une thrombose artérielle, le délai était similaire entre les trois vaccins (deux jours). Obtenues à un instant T, ces valeurs sont évidemment susceptibles de varier au fur et à mesure du déploiement de la vaccination et de la collecte de nouvelles données internationales de pharmacovigilance.

Les auteurs soulignent cependant qu’il est urgent d’évaluer plus précisément le taux de troubles de la coagulation et d’effets secondaires rares mais graves pouvant survenir après vaccination anti-Covid-19 et de mieux caractériser la thrombopénie immunitaire prothrombotique induite par le vaccin (VITT en anglais, pour Vaccine-Induced Immune Thrombotic Thrombocytopenia), qui associe donc réduction du nombre des plaquettes et survenue de caillots sanguins.

La surveillance continue

Depuis le 16 mars, date de la fin de recueil des notifications de pharmacovigilance (la veille du jour de l’annonce en France de la suspension de l’utilisation du vaccin AstraZeneca), d’autres cas de thromboses ont été rapportés après administration des vaccins à adénovirus AstraZeneca et Janssen (Johnson & Johnson).

L’Agence européenne du médicament (EMA) a depuis analysé 62 cas de thrombose des sinus veineux cérébraux et 24 cas de thromboses des veines splanchniques (qui drainent le sang veineux du tube digestif), dont 18 ont été mortelles. Ces obstructions sur ces gros vaisseaux sont situées à des localisations inhabituelles. Ces données ont été obtenues à partir de la base de données EudraVigilance de l’EMA qui porte sur 25 millions de personnes vaccinées.

Le 20 avril, la Société internationale de thrombose et d’hémostase (ISTH), qui réunit les spécialistes mondiaux de la physiologie et des troubles de la coagulation sanguine, a émis des recommandations en matière de diagnostic et de prise en charge des rares patients présentant une thrombose avec thrombopénie après vaccination anti-Covid-19.

Rendu public le 23 avril, un rapport de l’EMA concernant le vaccin Astrazeneca a actualisé les chiffres et précisé que 142 cas de thrombose avec thrombopénie ont été identifiés dans la base EudraVigilance. Selon l’agence, à ce jour, seuls trois cas sont survenus après la seconde dose du vaccin Astrazeneca (Vaxzevria). Le mécanisme précis qui sous-tend l’apparition de ce syndrome de thrombose avec thrombopénie n’est toujours pas connu.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

* Ces patients présentent des taux élevés d’anticorps IgG anti-PDF4 alors qu’ils n’ont jamais été exposés à l’héparine. Les spécialistes en hématologie parlent de « syndrome pseudo-TIH ».

Pour en savoir plus :

Smadja DM, Yue QY, Chocron R, et al. Vaccination against COVID-19: insight from arterial and venous thrombosis occurrence using data from VigiBase. Eur Respir J. 2021 Apr 16:2100956. doi: 10.1183/13993003.00956-2021 

Konstantinides S. Thrombotic complications of vaccination against SARS-CoV-2: what pharmacovigilance reports tell us – and what they don’t. Eur Respir J. 2021 Apr 22:2101111. doi: 10.1183/13993003.01111-2021 

Nazy I, Sachs UJ, Arnold DM, et al. Recommendations for the clinical and laboratory diagnosis of vaccine‐induced immune thrombotic thrombocytopenia (VITT) for SARS‐CoV‐2 infections: Communication from the ISTH SSC Subcommittee on Platelet Immunology. J Thromb Haemost. First published: 22 April 2021. doi: 10.1111/jth.15341 

Greinacher A, Thiele T, Warkentin TE, et al. Thrombotic Thrombocytopenia after ChAdOx1 nCov-19 Vaccination. N Engl J Med. 2021 Apr 9. doi: 10.1056/NEJMoa2104840 https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2104840

Schultz NH, Sørvoll IH, Michelsen AE, et al. Thrombosis and Thrombocytopenia after ChAdOx1 nCoV-19 Vaccination. N Engl J Med. 2021 Apr 9. doi: 10.1056/NEJMoa2104882 

Scully M, Singh D, Lown R, et al. Pathologic Antibodies to Platelet Factor 4 after ChAdOx1 nCoV-19 Vaccination. N Engl J Med. 2021 Apr 16. doi: 10.1056/NEJMoa2105385 

Sur le web :

Thrombosis with thrombocytopenia syndrome (TTS) following Janssen COVID-19 vaccine. Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) April 23, 2021.Tom Shimabukuro. COVID-19 Vaccine Task Force Vaccine Safety Team (FDA) 

ISTH Interim Guidance for the Diagnosis and Treatment on Vaccine-Induced Immune Thrombotic Thrombocytopenia (Updated 20 April, 2021). International Society on Thrombosis and Haemostasis 

EMA. Assessment report. 23 April 2021. Active substance: Chimpanzee Adenovirus encoding the SARS-CoV-2 Spike glycoprotein (ChAdOx1-S). EMA/CHMP/214855/2021. Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP).

Covid-19 : ce qu’on sait et ce qu’on ignore sur le variant indien

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Après le B.1.1.7 anglais, le B.1.351 sud-africain, le P.1 brésilien, c’est au tour d’un autre variant du SARS-CoV-2, cette fois identifié en Inde, de faire les gros titres de la presse internationale. Depuis quelques semaines, l’Inde connaît en effet une flambée épidémique. Dès lors le rapprochement a été vite fait avec l’émergence de ce nouveau variant, plus connu sous le nom de variant indien et que les virologues et généticiens moléculaires désignent sous l’appellation B.1.617.

La première apparition de la séquence du génome du variant B.1.617 dans la base de données génétiques GISAID remonte pourtant au 5 octobre 2020. Cette séquence a par ensuite été identifiée le 2 février 2021 parmi celles déposées par les généticiens britanniques et le 23 février 2021 par des virologues américains.

La présence du variant indien était signalée dans 21 pays, le 19 avril 2021. © GISAID

Détecté au Royaume-Uni, en Allemagne, en Guadeloupe

Le 22 avril, 686 séquences génomiques du variant B.1.617 avaient été détectées dans le monde, selon le site outbreak.info. À ce jour, le variant B.1.617 a été identifié dans une vingtaine de pays, notamment à Singapour, en Guadeloupe (deux cas*), à Saint-Martin, en Nouvelle-Zélande, au Nigeria, mais également en Australie, Corée du sud, Turquie, Royaume-Uni, Irlande, Belgique, États-Unis, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne.

Aujourd’hui, en Inde, deux états sont particulièrement concernés par la diffusion du variant B.1.617 : le Bengale-Occidental (est) et le Maharashtra (centre-ouest).

Localisation des mutations E484K et L452R au sein du domaine RBD (en contact avec le récepteur cellulaire ACE2) de la protéine spike.

Mutations dans la protéine spike

Le B.1.617 a rapidement été baptisé par la presse de « double mutant » du fait qu’il possède notamment deux mutations sur la protéine spike (encore appelée protéine S ou spicule) qui sert au virus à se fixer au récepteur ACE2, présent sur les cellules qu’il infecte. Ces deux mutations sont E484Q et L452R.

Elles ne résument cependant pas l’ensemble des modifications de ce variant. En effet, B.1.617 est porteur d’au moins treize mutations résultant en un changement en acides aminés, dont certains ont déjà été décrits dans d’autres variants qualifiés de préoccupants (Variant Of Concern ou VOC en anglais) ou d’intérêt (Variants Of Interest ou VOI en anglais).

La mutation E484Q est différente de la mutation E484K qui, elle, est présente dans d’autres variants, notamment dans les variants brésiliens P.1 et P.2, le variant sud-africain, ainsi que le variant B.1.525, détecté initialement au Nigeria et aux États-Unis. La mutation E484K se traduit par le remplacement de l’acide aminé E (acide glutamique) par l’acide aminé K (lysine). Elle a été associée à une diminution de l’activité neutralisante des anticorps et donc à un échappement immunitaire.

Contrairement à la mutation E484K, on sait en revanche à ce jour peu de choses sur la mutation E484Q qui, elle, remplace l’acide aminé E (acide glutamique) par l’acide aminé Q (glutamine). Publiée le 10 mars 2021 dans la revue Cell Host & Microbe, une étude américaine a montré que la mutation E484Q peut être associée, chez certains individus, à une réduction d’un facteur dix du pouvoir neutralisant des anticorps de patients Covid-19 convalescents.

La mutation L452R, également présente sur la protéine spike du variant indien, entraîne la substitution de l’acide aminé leucine (L) par l’arginine (R). Cette mutation est également présente dans d’autres variants, notamment B.1.429 identifié en Californie. Il a été montré que L452R est, elle aussi, associée à une plus faible neutralisation du virus par le plasma de sujets Covid-19 convalescents ou par des anticorps monoclonaux en laboratoire.

Autre mutation (la troisième) dans la protéine spike de ce variant : P681R. On connaît une autre mutation située au même emplacement mais qui n’implique pas le même changement en acide aminé : la P681H. Cette dernière est présente dans le variant anglais et dans un variant identifié aux Philippines (P.3)**. Cette mutation est située à proximité du site de clivage de la furine au sein de la protéine spike. Le site joue un rôle essentiel lors du processus d’entrée du virus dans les cellules. Cette mutation génétique pourrait donc potentiellement modifier le comportement du virus et se traduire par ce que les biologistes appellent un changement phénotypique, en l’occurrence une augmentation de l’infectiosité du virus.

Tableau comparatif des mutations présentes dans divers variants du SARS-CoV-2 présents en Inde © GISAID

Il est à noter que le variant indien ne renferme pas la mutation N501Y qui, elle, est présente dans les variants britannique, sud-africain, brésilien, et est associée à une plus forte affinité du virus à se lier au récepteur ACE2 et à une plus grande transmissibilité.

On ignore encore les conséquences de la présence de la quinzaine de mutations identifiées dans le variant indien. Plus que tout, on ne sait pas clairement si la flambée épidémique qui sévit actuellement en Inde est ou non liée à B.1.617. En effet, l’envolée actuelle du nombre de cas d’infections par le SARS-CoV-2 en Inde pourrait être associée au variant B.1.617, être la conséquence de grands rassemblements avec abandon ou relâchement des mesures barrières (port du masque, distanciation sociale, lavage des mains), ou encore si elle résulte d’une combinaison de ces deux facteurs.

Une relation de cause à effet entre le variant B.1.617 et la situation sanitaire inquiétante est possible, mais il est impossible de l’affirmer, d’autant que l’on ne dispose aujourd’hui que d’environ un millier de séquences génomiques alors que l’Inde dénombre environ quatre millions de cas de Covid-19 depuis la mi-février.

Jeudi 22 avril, le ministère indien de la santé a fait état de 314 835 nouvelles contaminations, un bilan quotidien qu’aucun pays au monde n’avait jusqu’alors enregistré. Le bilan officiel de l’épidémie en Inde est d’environ 185 000 morts, avec 2 074 décès recensés en 24 heures.

Il importe également de souligner, à l’instar du Dr Jeffrey Barrett, directeur de l’initiative génomique Covid-19 du Wellcome Sanger Institute (Cambridge), que dans l’hypothèse où le B.1.617 serait responsable de l’actuelle flambée épidémique en Inde, il se serait donc écoulé plusieurs mois avant que la présence de ce variant ait des conséquences majeures sur le plan épidémiologique. Ceci fait dire à ce spécialiste britannique, que « B.1.617 est probablement moins transmissible que le variant apparu dans le Kent et qui est maintenant dominant au Royaume-Uni ». Il n’avait mis que quelques semaines (entre la mi-octobre et décembre) avant de s’imposer. Selon Jeffrey Barrett, « le variant indien pourrait ne pas être aussi problématique que d’autres variants préoccupants, comme ceux initialement identifiés en Afrique du Sud et au Brésil ».

La plupart des séquences indiennes déposées sur la base de données GISAID proviennent de deux états : le Bengale-Occidental (West Bengal) et le Maharashtra. © GISAID

Environ 70 % des séquences génomiques de SARS-CoV-2 déposées par les chercheurs indiens dans la base de données GISAID correspondent à celles du variant B.1.617. Ceci montre simplement que ce variant circule largement dans les états indiens qui y déposent des séquences génomiques. De fait, la plupart des isolats viraux séquencés en Inde proviennent du Bengale-Occidental et du Maharashtra.

L’importance accordée à ce variant indien doit donc tenir compte de la capacité de séquençage génomique entre régions, qui s’avère très différente d’un état à un autre. De fait, le 24 mars 2021, le ministre indien de la santé a précisé que 15 % à 20 % des coronavirus séquencés provenaient du Maharashtra, région initialement touchée par la seconde vague épidémique. Ce chiffre a depuis augmenté et se situe aujourd’hui à plus de 60 %.  On estime qu’en Inde la prévalence globale du variant B.1.617 se situe probablement à 15 %.

Cent-trois cas de variant indien identifiés au Royaume-Uni

Le variant indien a beaucoup fait parler de lui outre-Manche ces derniers jours. En effet, vendredi 16 avril, Public Health England a annoncé avoir identifié 73 cas de Covid-19 associés au variant indien en Angleterre. Quatre cas liés au B.1.617 ont été recensés en Écosse. Le nombre de génomes viraux correspondant au variant B.1.617 a augmenté au Royaume-Uni au cours des trois dernières semaines, passant de 0,2 % à 1 % des génomes séquencés dans le pays.

Trois jours plus tard, lundi 19 avril, Matt Hancock, ministre de la santé britannique, a indiqué que 103 cas associés au variant indien ont été identifiés, précisant que « la grande majorité ont des liens avec les voyages internationaux et ont été détectés par [des] tests à la frontière ».

La notion d’un séjour en Inde a en effet été retrouvée chez la plupart des personnes infectées par le B.1.617. En revanche, d’autres cas ont été rapportés chez des individus n’ayant pas voyagé. Le même jour, le gouvernement britannique a interdit l’entrée au Royaume-Uni des voyageurs en provenance d’Inde, n’autorisant l’accès qu’aux résidents britanniques qui devront observer, à leurs frais, un isolement obligatoire de dix jours dans un établissement hôtelier approuvé par les autorités.

En raison de la situation épidémique actuelle en Inde, les services du premier ministre Boris Johnson ont annoncé, lundi 19 avril, l’annulation d’un voyage prévu fin avril dans ce pays. Le locataire de Downing Street prévoyait déjà se rendre en Inde courant janvier, mais ce déplacement avait été repoussé en raison de l’aggravation de la pandémie de Covid-19 au Royaume-Uni.

La France a, quant à elle, indiqué souhaiter suspendre l’ensemble des vols en provenance d’Inde. Ces vols représentent 1 900 passagers par semaine.

Au Canada, trente-neuf cas du variant indien ont été recensés en Colombie-Britannique. Le 22 avril 2021, un premier cas de variant indien B.1.617 a été identifié au Québec (Mauricie-Centre-du-Québec), selon le ministère de la santé et des services sociaux. Cette personne avait reçu une première dose de vaccin contre la Covid-19. Elle est maintenant rétablie.

B.1.617, « variant à suivre »

Le variant indien est considéré comme un « variant à suivre » (VUI, Variant Under Investigation, en anglais), encore appelé variant d’intérêt. Il a été temporairement désigné VUI-21APR-01. Il n’a donc pas, à ce jour, été qualifié de variant préoccupant (Variant Of Concern). La nuance est d’importance.

On rappelle qu’un « variant à suivre » ou VOI (Variant Of Interest, en anglais) correspond à un variant caractérisé par un changement phénotypique par rapport à un virus de référence, dont la biologie est donc modifiée par rapport à cette dernière. Un VOI est également responsable d’une transmission communautaire, de multiples cas groupés (clusters), ou a été détecté dans de nombreux pays. En revanche, un variant préoccupant (VOC) est défini, par comparaison avec un ou plusieurs virus de référence, par une augmentation de la transmissibilité ou un impact défavorable sur l’épidémiologie des infections, une augmentation de la gravité de la maladie Covid-19 ou un changement des symptômes cliniques, ou encore par une diminution de l’efficacité des mesures contrôles (mesures barrières, tests diagnostiques, efficacité médicamenteuse ou vaccinale).

Des expériences sont en cours pour déterminer si B.1.617 mériterait ou pas d’être considéré comme un variant préoccupant. Celles-ci consistent à utiliser des pseudovirus, autrement dit des virus artificiels se comportant comme de « faux coronavirus » car porteurs à leur surface d’une protéine spike renfermant les mutations observées dans le variant indien. Les chercheurs « déguisent » donc des virus en coronavirus pour ce qui est de leur enveloppe. Cela permet d’étudier indirectement l’effet de ces mutations et de contourner la difficulté de ne pas toujours pouvoir disposer d’échantillons biologiques prélevés récemment et contenant le virus actif.

Plasticité du génome viral

La circulation continue du SARS-CoV-2 constitue une opportunité pour le virus d’acquérir, au hasard, des changements génétiques aussi bien dans la protéine spike que dans d’autres régions tout le long de son génome. Ces modifications consistent en la substitution d’un nucléotide par un autre dans la séquence génétique (mutation) ou de la perte de matériel génétique (délétion).

Alors qu’un faible nombre de mutations sont apparues dans le SARS-CoV-2 durant la majeure partie de l’année 2020 (la principale étant la mutation D614G), trois variants majeurs ont depuis été décrits : l’anglais B.1.1.7, le sud-africain B.1.351 et le brésilien P.1. Leur émergence tient sans doute au fait des pressions de sélection immunitaire ainsi qu’à l’évolution du virus chez des patients immunodéprimés présentant une infection prolongée.

B.1.1.7, B.1.351 et P.1 sont les principaux variants SARS-CoV-2 circulants. La sous-unité S1 de la protéine S contient un domaine amino-terminal (NTD) et un domaine de liaison au récepteur (RBD). Les délétions (indiquées par le symbole Δ) et mutations (en rouge) dans le domaine S1 peuvent affecter la transmissibilité (Tr), l’efficacité du vaccin (Ef) ou la virulence du virus (Vi). McCormick KD, et al. Science. 2021 Mar 2.

Il est très probable que de nouvelles mutations continueront d’émerger dans différentes régions du monde où le virus circule activement et que de tels variants se diffuseront. De fait, outre les trois variants majeurs préalablement cités, d’autres variants, porteurs de mutations sur la protéine spike, ont déjà fait leur apparition, tels que le B.1.526 détecté à New-York, le B.1.429 identifié en Californie, ou encore les B.1.525 et A.23.1 originaires respectivement du Nigeria*** et d’Ouganda.  Certains chercheurs redoutent l’émergence d’un nouveau variant issu d’une recombinaison entre les variants anglais et indien.

« C’est en réduisant la propagation du SARS-CoV-2 que l’on a le plus de chance d’éviter de sélectionner des variants d’échappement immunitaire. Cela nécessitera une stratégie mondiale, coordonnée et complète, de vaccination et de prévention », déclarent Kevin McCormick, Jana Jacobs et John Mellors de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) dans une mise au point récemment publiée dans Science et consacrée à la plasticité émergente du génome du SARS-CoV-2.

Selon eux, un déploiement partiel de la vaccination et donc une immunisation incomplète des individus, qui entraînent des taux d’anticorps neutralisants sous-optimaux, pourraient favoriser la sélection de variants d’échappement, ce qui réduirait l’efficacité des vaccins.

Date d’identification dans 15 pays de séquences génomiques SARS-CoV-2 correspondant au variant indien B.1.617. © GISAID

Indispensable séquençage génomique

Ces chercheurs estiment qu’il est capital d’accroître, dans le monde entier, les capacités d’analyse génotypique et phénotypique, qui décrivent la carte d’identité génétique et les propriétés biologiques du virus, pour détecter et caractériser les variants circulants du SARS-CoV-2 qui pourraient émerger sous l’effet de la pression de sélection exercée par le système immunitaire lors de l’infection naturelle ou après vaccination.

« La propagation explosive du SARS-CoV-2 dans le monde devrait servir d’avertissement sévère quant à la possibilité que de nouveaux variants compliquent davantage le contrôle de la pandémie. Les fabricants de vaccins évaluent actuellement de potentiels vaccins contre les variants circulants, en même temps que des anticorps monoclonaux à plus large spectre sont en développement. Ces approches proactives seront probablement nécessaires pour assurer le contrôle et l’élimination de la pandémie », concluent-ils.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

* Le variant indien a été détecté chez deux voyageurs en provenance d’Inde et en transit par la Guadeloupe, mais aucun cas autochtone n’a été identifié en France à ce jour, indique Santé publique France

** Le variant P.3, qui aurait émergé aux Philippines, a été détecté en Norvège, Allemagne, Royaume-Uni, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande.

*** Le variant B.1.525, porteur de la mutation E484K, a été détecté initialement au Nigeria et aux États-Unis et sporadiquement en France jusqu’à présent.

Pour en savoir plus :

Deng X, Garcia-Knight MA, Khalid MM. et al. Transmission, infectivity, and neutralization of a spike L452R SARS-CoV-2 variant. Cell. Published:April 20, 2021. doi: 10.1016/j.cell.2021.04.025

McCormick KD, Jacobs JL, Mellors JW. The emerging plasticity of SARS-CoV-2. Science. 2021 Mar 26;371(6536):1306-1308. doi: 10.1126/science.abg4493

Greaney AJ, Loes AN, Crawford KHD, et al. Comprehensive mapping of mutations in the SARS-CoV-2 receptor-binding domain that affect recognition by polyclonal human plasma antibodies. Cell Host Microbe. 2021 Mar 10;29(3):463-476.e6. doi: 10.1016/j.chom.2021.02.003

Sur le web :

Coronavirus : circulation des variants du SARS-CoV-2 (Santé publique France, 21 avril 2021)

Analyse de risque liée aux variants émergents de SARS-CoV-2 réalisée conjointement par le CNR des virus des infections respiratoires et Santé publique France (08/04/2021)

SARS-CoV-2 Variant Classifications and Definitions (CDC)

LIRE aussi : Covid-19 : ce qu’il faut savoir sur le variant brésilien P.1

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Durant la pandémie de Covid-19, le séquençage du génome viral est utilisé pour suivre la diffusion de nouveaux variants porteurs de mutations spécifiques. On le sait, de nouvelles mutations, ou associations de mutations, peuvent conférer un avantage sélectif au virus, qui peut devenir plus transmissible ou échapper au système immunitaire.

Il a ainsi été montré que le SARS-CoV-2 présente une diversité génétique au sein des patients infectés. La plupart des analyses génomiques se sont cependant focalisées sur le variant dominant chez un individu. Les chercheurs considèrent alors qu’une seule séquence « consensus » est présente chez chaque personne infectée, et ce alors que de nouvelles mutations peuvent émerger dans les génomes viraux présents dans l’organisme. En matière d’infection individuelle, tout ne peut donc pas se résumer à une seule séquence génétique virale.

Il apparaît aujourd’hui primordial d’appréhender ce que les biologistes moléculaires désignent sous le terme de « diversité intra-hôte » et qui traduit donc la coexistence chez un même individu, à côté du virus dominant, de virus génétiquement distincts, appelés variants minoritaires.

Publiée en ligne 16 avril 2021 dans la revue Science, une étude britannique a cherché à évaluer la production de variants chez un patient infecté, leur éventuelle transmission à une autre personne, voire la possible propagation de variants préoccupants. Ces travaux peuvent éclairer sur la façon dont des variants du SARS-CoV-2 sont susceptibles de se diffuser à plus grande échelle.

Alors que l’identification de variants chez un même hôte a été étudiée pour d’autres agents pathogènes (virus du sida, virus de la grippe), rares sont les études consacrées à la dynamique intra-hôte du SARS-CoV-2, processus qui façonne la production et la propagation des variants génétiques.

Conduits par des chercheurs de l’université d’Oxford, ces travaux ont évalué la diversité intra-hôte et la transmission du SARS-CoV-2 à partir du séquençage de 1313 prélèvements nasopharyngés issus de patients Covid-19 symptomatiques et hospitalisés durant la première vague de l’épidémie (entre mars et juin 2020). Les données proviennent de 1173 individus, notamment de 41 personnes chez lesquelles des échantillons ont été prélevés à deux, trois ou quatre reprises. Les prélèvements ont été réalisés dans deux groupes hospitaliers éloignés l’un de l’autre d’une soixantaine de kilomètres. Les virologistes moléculaires ont caractérisé l’intégralité du génome viral afin de déterminer la diversité intra-patient.

Katrina Lythgoe, Tanya Golubchik et ses collègues ont observé un faible taux de diversité génétique intra-hôte dans les échantillons renfermant une charge virale élevée, celle-ci étant concentrée au niveau de la protéine spike (S ou spicule), qui sert de clé au virus pour pénétrer dans les cellules qu’il infecte.

Les chercheurs ont ainsi notamment observé une diversité intra-hôte chez les individus faisant partie d’un même foyer épidémique, certains appartenant à un même foyer familial. Pour autant, la plupart des variants n’ont pas été transmis lors de la contamination. Soit, ils étaient perdus au moment de la transmission, soit la taille de la population de variants, passant d’une personne à une autre, était très faible. Dans ce dernier cas, les biologistes parlent de transmission avec un « goulot d’étranglement serré ».

Goulot d’étranglement limitant le nombre de variants transmis

Ces données indiquent qu’à un stade précoce de l’infection, lorsque la charge virale du patient est élevée et que la transmission est la plus probable, des variants semblent rarement transmis d’un individu à un autre. Ceci ne constitue cependant pas une règle générale dans la mesure où les chercheurs ont détecté chez plusieurs individus la présence de variants susceptibles de devenir plus transmissibles ou capables d’échapper à la neutralisation par les anticorps.

Ces résultats soulignent donc la nécessité de faire preuve de vigilance en continuant la surveillance génomique, d’autant que des variants d’échappement pourraient émerger sous l’effet de la forte pression des anticorps induits par la vaccination, de l’impact du système immunitaire sur le virus lors de l’infection naturelle ou encore du fait de la « dérive génétique », phénomène par lequel une mutation qui se produit au hasard parvient à se diffuser au fil des générations, en combinant son effet à d’autres déjà présentes dans le génome viral.

Les chercheurs de l’université d’Oxford, à partir de leur collection de 1390 génomes, ont quantifié la fréquence des variants au sein d’un même hôte. Il ressort que la diversité intra-hôte chez les patients ayant une charge virale élevée, correspond, de façon reproductible, à une proportion supérieure à 3 % des séquences génétiques.

La comparaison des échantillons prélevés à deux moments différents chez 41 individus, en moyenne à six jours d’intervalle, a permis d’observer l’émergence de variants, suivie de leur disparition. Il existe donc un goulot d’étranglement. Cette réduction de la taille de la population de variants est un facteur majeur qui conditionne la probabilité que des variants intra-hôte soit transmis.

Les chercheurs ont étudié quatorze paires de transmission (sujet infectant-patient infecté). Il apparaît que ce goulot d’étranglement est très serré, laissant « passer » entre un et huit variants lors de la transmission du virus d’une personne à une autre. La limitation du nombre de variants transmis pourrait également dépendre de la voie d’exposition au virus. Cela a été antérieurement montré avec le virus de la grippe. Ainsi, chez des furets et des cobayes, la diversité génétique est plus importante lorsque le virus grippal (influenza A) est transmis par voie aéroportée (aérosols) plutôt que par contact direct.

La plupart des échantillons renferment peu de variants intra-hôte

Le séquençage génomique a donc montré que la diversité intra-hôte est fort limitée lorsque les échantillons renferment une charge virale élevée, avec tout au plus un ou deux variants dans la plupart des échantillons. « Les mutations d’échappement sont sans doute relativement rares, au moins au cours de l’infection aiguë, lorsque la charge virale est élevée », indiquent les auteurs de l’article.

Selon eux, il importe cependant de souligner que « même en l’absence de pression de sélection immunitaire (vaccinale ou thérapeutique), il arrive qu’on observe des mutations intra-hôte à une fréquence suffisante pour être transmises malgré le fait qu’il s’agisse d’un événement rare et associé à un goulot d’étranglement serré ».

Parmi les 1313 échantillons biologiques analysés, les chercheurs ont néanmoins identifié deux prélèvements contenant un nombre particulièrement élevé de variations (15 à 18) au niveau d’un nucléotide et ce à des fréquences laissant à penser qu’il s’agit dans les deux cas d’une co-infection par deux variants.

La diversité intra-hôte s’est traduite par la survenue de mutations tout le long du génome viral. Les chercheurs ont noté une variabilité considérable sur les gènes codant des protéines accessoires (non structurales) ORF3a, 7a, 8 et celui codant la nucléocapside (protéine associée à l’ARN génomique).

Les chercheurs soulignent par ailleurs que certaines mutations sur la protéine spike sont éliminées sous l’effet d’un processus appelé « sélection purificatrice ». Ces mutations délétères pour le virus n’étant pas conservées, ces variants défectueux ne sont pas transmis.

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Une fenêtre sur l’évolution intra-patient du SARS-CoV-2

L’ensemble des résultats obtenus montrent que, « dans l’ensemble, le goulot d’étranglement de transmission peut être suffisamment large pour permettre la co-transmission de plusieurs variants dans certains cas, mais suffisamment étroit pour que ces variants ne persistent pas après un petit nombre de contaminations ultérieures ». En d’autres termes, certains variants pourraient passer par le goulot d’étranglement et contaminer un autre individu, mais ne seraient pas retenus très longtemps au sein de la chaîne de contamination.

Ainsi, dans la plupart des cas, même lorsque des variants minoritaires parviendraient à être transmis à un individu, ceux-ci seraient par la suite perdus ou seraient à nouveau transmis mais disparaîtraient ultérieurement. Seule une étude détaillée sur plusieurs générations durant la chaîne de transmission permettrait de confirmer ce modèle.

Néanmoins, lorsque des variants parviennent à franchir le goulot d’étranglement, ceux-ci peuvent avoir un impact majeur. Les chercheurs britanniques ont ainsi observé des variants problématiques dans la protéine spike. Ils ont identifié un variant porteur de la mutation L5F qui augmente l’infectiosité virale, un autre renfermant la mutation G446V qui confère une résistance aux anticorps développés par des sujets Covid-19 convalescents. Enfin, les scientifiques ont noté la présence dans un troisième variant de la mutation A879V qui, elle, confère une résistance à un anticorps monoclonal développé par la firme Regeneron.

Cette étude, ayant porté sur plus d’un millier de sujets Covid-19, illustre donc la présence « constante et reproductible » d’une diversité intra-hôte du virus. Pour les auteurs, un tel constat souligne la nécessité d’étudier et de surveiller la dynamique de l’évolution intra-patient des variants SARS-CoV-2, dont certains peuvent parfois être plus contagieux, entraîner une forme clinique sévère ou échapper au système immunitaire.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

Pour en savoir plus :

Lythgoe KA, Hall M, Ferretti L, et al. SARS-CoV-2 within-host diversity and transmission. Science. 2021 Apr 16;372(6539):eabg0821. doi: 10.1126/science.abg0821

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