Quand le yoga se révèle dangereux

Posture Marichyasana (vue de côté et de haut). Moriarity A, et al. BMJ Case Rep. 2015 Oct 9;2015.

Méthode de relaxation basée sur une combinaison entre des postures du corps et la méditation, le yoga a tout pour plaire. Cette pratique indienne millénaire procure une sensation de bien-être et de détente. Les seniors manifestent un intérêt particulier pour cette activité physique. Sauf dans que dans certains cas, heureusement rares, celle-ci peut avoir de fâcheuses conséquences sur la santé. Des spécialistes américains en endocrinologie et médecine physique et de rééducation rapportent dans un article paru en ligne le 24 avril 2018 dans l’European Journal of Physical and Rehabilitation Medicine que certaines postures peuvent augmenter le risque de fracture vertébrale chez des personnes prédisposées.

Le Dr Jad Sfeir et ses collègues de la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) décrivent le cas de 9 personnes, dont 8 femmes, âgées de 53 à 87 ans, qui ont eu à souffrir d’une fracture par compression de la colonne vertébrale un à six ans après avoir commencé à pratiquer des exercices de flexion du dos lors de séances de yoga. Six de ces 9 personnes avaient elles-mêmes décidé de pratiquer le yoga.

Dans les fractures par compression de la colonne vertébrale, encore appelées tassements vertébraux, le corps d’une vertèbre s’effondre, généralement en raison d’une trop grande pression mécanique. Ces fractures correspondent à la fracture du corps de la vertèbre avec perte de hauteur. Elles peuvent toucher une partie de la vertèbre ou la totalité de celle-ci.

Chez ces sujets adeptes du yoga, ces tassements vertébraux ont entraîné une douleur aiguë dans le dos. Les fractures sont survenues au niveau de la colonne thoracique (6 cas), lombaire (4 cas) et cervical (1 cas). Deux patientes présentaient chacune deux fractures vertébrales.

Radiographies de la colonne vertébrale d’une patiente avant de commencer à suivre des séances de yoga et un an après après avoir eu une fracture vertébrale par compression (ou tassement vertébral). Le corps d’une vertèbre s’effondre (la flèche montre une perte de plusieurs centimètres de hauteur). Cliché aimablement communiqué par le Dr Jad Sfeir. 

Quatre patients souffraient d’ostéoporose, pathologie caractérisée par une réduction de la densité des os, ce qui les fragilise et les rend plus sujets aux fractures. Deux autres présentaient une ostéopénie, caractérisée par une diminution de la densité minérale de l’os mais avec maintien de l’architecture osseuse.

Chez ces 9 patients, l’ostéodensitométrie, examen permettant d’évaluer la densité minérale osseuse, a montré que la déminéralisation des os était plus importante au niveau de la colonne vertébrale.

Chez ces patients à risque fracturaire élevé, les exercices de flexion lors des séances de yoga, en générant des pressions et des torsions élevées sur le corps de vertèbres, ont provoqué des fractures de compression. Celles-ci ne sont pas les seuls accidents associés à la pratique du yoga. Une rupture de ligament, une lésion articulaire, un déplacement de disque intervertébral peuvent également survenir.

Des lésions musculo-squelettiques de plus en plus fréquentes

Aux Etats-Unis, 21 % des personnes qui pratiquent le yoga ont plus de 60 ans. Entre 2001 et 2014, on a dénombré plus de 29 500 consultations aux urgences en rapport à des accidents associés à la pratique du yoga. Dans 13 % des cas, les accidents sont survenus chez des personnes âgées de 65 ans ou plus. Une fracture a été observée dans 5 % des cas.

Une importante augmentation des lésions liées au yoga a été observée aux Etats-Unis ces dernières années chez les personnes âgées. On comptait 6,9 lésions pour 100 000 participants en 2001 contre 57,9 pour 100 000 participants en 2014. Elles siègent principalement au niveau du tronc.

L’étude conduite par les spécialistes de la Mayo Clinic est observationnelle, les médecins ayant tiré des conclusions sur l’effet délétère possible de la pratique d’une activité sur des participants. Par définition, elle ne permet pas d’établir une relation claire de causalité entre les exercices de yoga et la survenue de fractures vertébrales par compression. Néanmoins, elle repose sur des données provenant de dossiers médicaux montrant que tous les sujets présentaient un risque fracturaire. Enfin, selon les auteurs, même si le lien de causalité ne peut être affirmé avec certitude, le fait que ces patients aient ressenti une douleur aiguë du dos durant des séances de yoga est fortement en faveur d’une telle association.

Selon les auteurs, leur étude souligne la nécessité d’informer des dangers du yoga pour certaines populations présentant un risque de fracture accru, d’autant que « la presse continue de faire la publicité du yoga en tant qu’activité uniquement protectrice pour les os ». Ils estiment que la prévention des fractures associées au yoga passe par une sélection adéquate des participants et la pratique de postures appropriées.

Positions à éviter selon le Dr Jad Sfeir : extrêmes flexions et extensions de la colonne vertébrale, extrêmes contraintes sur le rachis cervico-thoracique, pressions importantes exercées sur la partie inférieure du dos et la hanche. 

Luxation de prothèse de hanche

Très récemment, en mars 2018, des chirurgiens orthopédistes américains (New Haven, Connecticut) ont décrit le cas de deux femmes, âgées de 43 et 90 ans, ayant présenté une luxation de leur prothèse totale de hanche au cours d’une séance de yoga. Leur opération de la hanche remontait à 17 ans pour la quadragénaire, à 9 ans pour la nonagénaire. La première a rapidement arrêté les cours de pilates (gymnastique douce), puis le yoga six mois plus tard. La vieille dame, à qui il avait été également demandé de limiter les mouvements extrêmes de la hanche pour ne pas risquer une nouvelle luxation, ne respecta pas à la lettre ces consignes. Elle fit deux récidives de luxation de hanche, alors qu’elle enfilait ses chaussettes et faisait ses lacets de chaussures. Elle dut être réopérée.

Fracture du fémur

La plupart des accidents de yoga sont des luxations, des entorses, des lésions musculaires et tendineuses, des fractures (vertèbres, tibia, gros orteil).

En 2015, des chirurgiens orthopédistes irlandais ont décrit un cas exceptionnel, celui d’un homme ayant eu une fracture du fémur au moment où il réalisait lors d’une séance matinale de yoga la posture Marichyasana, qui implique une flexion de la hanche et du genou (photo d’ouverture de ce billet). C’est alors qu’il entendit un craquement sourd et ressentit une intense douleur.

Aux urgences du St James’s Hospital du Dublin, on lui administra de la morphine par voie intraveineuse. Les radiographies montrèrent une fracture de la partie moyenne (diaphyse) du fémur gauche. Ce type de fracture s’observe habituellement en cas de traumatisme à haute énergie, comme lors d’accidents de la route à grande vitesse. Le patient fut opéré. L’intervention consista, pour unir les deux fragments osseux, à enfoncer dans le fémur un long clou dans la cavité médullaire contenant la moelle osseuse.

Fracture spiralée du tiers distal de la diaphyse du fémur gauche. Moriarity A, et al. BMJ Case Rep. 2015 Oct 9;2015.
Le patient eut une ostéosynthèse par long clou centromédullaire (38 x 1 cm) et vis. Moriarity A, et al. BMJ Case Rep. 2015 Oct 9;2015.

Les examens biologiques sanguins standard ne montrèrent aucune anomalie chez ce patient, par ailleurs végétarien et qui ne prenait aucun médicament. Deux semaines avant sa fracture, il avait ressenti une douleur à la cuisse qu’il pensait être une lésion musculaire. Traité par un kinésithérapeute pour une élongation du muscle quadriceps, il avait repris le yoga.

L’analyse au microscope de fragments du canal médullaire du fémur, prélevés lors de la phase d’alésage avant implantation du clou, révéla l’existence d’anciennes micro-fractures qui s’étaient consolidées en formant des micro-cals. Ce patient avait donc sans doute ressenti les premiers signes d’une fracture de fatigue, liée à la sollicitation répétée et excessive du squelette. Ce type de fracture est par ailleurs favorisé par une réduction de la densité osseuse. De fait, l’ostéodensitométrie décela chez ce patient une ostéopénie. Il lui fut conseillé de rééquilibrer son alimentation.

Cinq mois plus tard, le patient marchait presque sans douleur et reprenait le yoga. Il s’abstenait cependant de réaliser des postures éprouvantes. Les radiographies montraient une consolidation de la fracture et un alignement satisfaisant des fragments osseux.

Cette observation de fracture de la diaphyse du fémur, liée à un traumatisme de faible énergie chez un individu sain pratiquant le yoga, reste unique à ce jour.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter)   

Pour en savoir plus :

Sfeir JG, Drake MT, Sonawane VJ, Sinaki M. Vertebral compression fractures associated with yoga: a case series. Eur J Phys Rehabil Med. 2018 Apr 24. doi: 10.23736/S1973-9087.18.05034-7

Adrados M, Myhre LA, Rubin LE. Late total hip arthroplasty dislocation due to yoga. Arthroplasty Today. Available online 21 March 2018.

Moriarity A, Ellanti P, Hogan N. A low-energy femoral shaft fracture from performing a yoga posture. BMJ Case Rep. 2015 Oct 9;2015. pii: bcr2015212444. doi: 10.1136/bcr-2015-212444

Cramer H, Krucoff C, Dobos G. Adverse events associated with yoga: a systematic review of published case reports and case series. PLoS One. 2013 Oct 16;8(10):e75515. doi: 10.1371/journal.pone.0075515

Sinaki M. Yoga spinal flexion positions and vertebral compression fracture in osteopenia or osteoporosis of spine: case series. Pain Pract. 2013 Jan;13(1):68-75. doi: 10.1111/j.1533-2500.2012.00545.x

Le Corroller T, Vertinsky AT, Hargunani R, Khashoggi K, Munk PL, Ouellette HA. Musculoskeletal injuries related to yoga: imaging observations. AJR Am J Roentgenol. 2012 Aug;199(2):413-8. doi: 10.2214/AJR.11.7440

Mikkonen PP, Pedersen P, McCarthy PW. A survey of musculoskeletal injury among Ashtanga Vinyasa yoga practitioners. Int J Yoga Therap 2008;18:59–64.

Bianchi, G., Cavenago, C. & Marchese, M. Can the practice of yoga be dangerous? Considerations over a case of epiphyseal separation of the distal tibia in a teenager. J Orthopaed Traumatol. 2004;5:188. doi: 10.1007/s10195-004-0069-y

L’incroyable histoire de John F. Kennedy et de son mal de dos

© Wikimedia Commons

John Fitzgerald Kennedy, 35ème président des États-Unis, est le plus jeune à occuper le bureau ovale lorsqu’il est élu le 8 novembre 1960. A sa jeunesse (il n’a alors que 43 ans), s’ajoute son enthousiasme, son sourire, son charisme, son énergie. Cette image de vitalité est pourtant trompeuse. En réalité, JFK a toujours été en mauvaise santé depuis son plus jeune âge. Il va par ailleurs souffrir du dos dès l’âge de 20 ans. C’est l’histoire de son mal de dos, des interventions chirurgicales ratées, de l’impact de ses douleurs lombaires durant toute sa vie jusqu’au jour de sa mort, que relatent deux neurochirurgiens américains dans un passionnant article paru le 11 juillet 2017 dans le Journal of Neurosurgery Spine (JNS). 

Le petit « Jack » n’a pas 3 ans quand il est hospitalisé pour une scarlatine, infection bactérienne qui a bien failli l’emporter. Son enfance est ponctuée de maladies, notamment d’infections, d’allergies et de problèmes intestinaux. A l’âge de 14 ans, on lui diagnostique une « colite ». On parlerait sans doute aujourd’hui de syndrome du côlon irritable. Les symptômes gastro-intestinaux vont persister par intermittence tout au long de sa vie.

Harvard, 1947

Son mal de dos vient s’ajouter à cette santé fragile lors de ses premières années de collège universitaire. Même s’il demeure une incertitude sur le véritable événement déclencheur de ses douleurs lombaires, il est communément admis que son mal de dos a débuté après une blessure lors d’un match de football à Harvard en 1937. Il continue à souffrir du dos après avoir obtenu son diplôme universitaire en juin 1940. Il est alors adressé à un chirurgien orthopédiste, spécialiste du rachis à Boston, qui diagnostique une articulation lombo-sacrée très instable et lui recommande de suivre un traitement consistant en une manipulation vertébrale sous anesthésie. Ce que fait Kennedy.

A bord du patrouilleur PT-109

John F. Kennedy à bord du patrouilleur PT-109 dans le Pacifique Sud en 1943.    © Wikimedia Commons. John F. Kennedy Presidential Library and Museum.

En octobre 1940, John Kennedy, alors âgé de 23 ans, est bon pour le service militaire. Il se voit cependant recalé par l’armée de terre du fait de ses soucis de santé, en particulier à cause de ses problèmes de dos. Il tente d’intégrer l’année suivante la Marine, en l’occurrence l’école des aspirants officiers de la Navy. Là encore sans succès pour inaptitude physique. Faisant jouer les relations de son père, alors ambassadeur des États-Unis en Grande-Bretagne, il obtient d’être intégré dans l’US Naval Reserve en septembre 1941. Fin juin 1942, l’enseigne Kennedy est déclaré apte pour le service. Il fera ses classes à bord d’un patrouilleur, le PT-109, une vedette lance-torpilles. Son père interviendra à nouveau afin qu’il soit accepté dans un programme d’entrainement intensif. Il sera envoyé dans le Pacifique en janvier 1943. Le bateau torpilleur qu’il commande est éperonné par un destroyer japonais, causant la mort de deux hommes. Kennedy sauve un équipier gravement blessé en tirant le gilet de sauvetage de celui-ci avec ses dents. Il nage ainsi pendant cinq heures avant de se réfugier sur une île. Les rescapés du naufrage sont finalement secourus. La collision avec le navire japonais et les conditions éprouvantes de son sauvetage mettent à mal son dos déjà fragile.

Le lieutenant John F. Kennedy est décoré de la médaille de la Navy et du Marine Corps pour « conduite extrêmement héroïque en tant qu’officier commandant du tropilleur PT-109 ». © Wikimedia Commons. John F. Kennedy Presidential Library and Museum.

De retour aux États-Unis, un chirurgien orthopédiste note que le lieutenant Kennedy souffre de douleurs de la région sacro-iliaque gauche, derrière la hanche, qui descendent jusqu’au genou. Il est décidé de réaliser une myélographie gazeuse, un examen radiologique de la moelle épinière qui n’est plus employé et dans lequel on remplace le liquide céphalo-rachidien par de l’air. Celui-ci permet d’obtenir une bonne image de la moelle, tout en ayant l’avantage d’être résorbable.

Juin 1944 : première chirurgie du dos

L’apparition de produits contrastes iodés hydrosolubles a rendu caduque cette technique. Bien que la myélographie gazeuse ne permette pas de déceler une hernie discale et ne conclut pas à la nécessité d’une intervention chirurgicale, Kennedy se fait tout de même opérer le 23 juin 1944. L’intervention consiste en l’ablation partielle d’une portion (lame) des 4e et 5e vertèbres lombaires (laminotomie) ainsi que de celle du disque intervertébral situé entre la 5ème vertèbre lombaire et la première vertèbre sacrée. L’amélioration est de très courte durée car deux semaines plus tard Kennedy souffre de spasmes musculaires sévères.

Plutôt qu’une myélographie gazeuse, les auteurs de l’article estiment que Kennedy aurait dû subir une myélographie avec un produit de contraste iodé, même si cet examen peut parfois entraîner des complications (notamment une inflammation du fait de la présence résiduelle du produit), qui ne surviennent pas lorsqu’on utilise de l’air.  Le statut de héros de guerre de « Jack » Kennedy et le fait qu’il soit le fils de Joseph Kennedy ont probablement joué dans la décision d’utiliser de l’air plutôt qu’un produit de contraste, plus indiqué mais potentiellement plus risqué.

Les Drs Glenn Pait et Justin Dowdy (Université de l’Arkansas, Little Rock) ont examiné les radiographies pré et post-opératoires de la colonne vertébrale du célèbre patient, conservées à la bibliothèque JFK Presidential Library. Il en ressort que JFK avait un rachis lombaire dans la normale sur le plan radiologique en décembre 1944.

Des douleurs gastro-intestinales complètent le tableau clinique de Kennedy. La Navy finit par le déclarer inapte pour le service en novembre 1944. Il retrouve la vie civile et se lance sa candidature à la Chambre des Représentants en avril 1946 dans le Massachusetts. La campagne électorale est éreintante pour son dos. Les douleurs lombaires reviennent, l’obligeant à avoir recours à des massages quotidiens, des bains chauds et le port régulier d’un corset. Kennedy remporte l’élection, près de deux ans après sa première opération du dos qui ne lui avait pas réussi.

La première année de son mandat est marquée par un grave ennui de santé lors d’un voyage en Angleterre. Il prend régulièrement des corticoïdes pour soigner ses problèmes gastro-intestinaux de longue date. Insouciant, il cesse brutalement de les prendre, ce qui déclenche une crise surrénalienne aiguë en 1947.

Maladie d’Addison

Hospitalisé à Londres, les médecins diagnostiquent une maladie d’Addison, une affection endocrinienne caractérisée par un défaut de sécrétion des hormones produites par les glandes surrénales, probablement secondaire à la prise chronique de corticoïdes. La situation est si critique que Kennedy, de religion catholique, reçoit les derniers sacrements.

Décidé à faire progresser sa carrière politique, Kennedy sillonne le Massachusetts, quoi qu’il en coûte à son dos. JFK voyage alors en utilisant des béquilles, serre des dents lorsqu’il marche, mais se tient debout, tout sourire, en public. Il semble en pleine forme tel un boxeur champion du monde des poids légers, selon son conseiller politique. Après avoir terminé son discours et répondu aux questions, on l’aide pour rejoindre sa voiture et s’allonger sur la banquette arrière. Il ferme alors les yeux de douleur. Ce régime épuisant finit cependant par payer électoralement. Il est élu au Sénat en 1952.

Deuxième intervention chirurgicale

Le sénateur Kennedy continue de souffrir du dos, à tel point qu’il utilise presque constamment des béquilles au cours du printemps 1954. Cette année-là, il décide de se faire réopérer, malgré le risque élevé de complications, et même de décès, du fait de sa maladie d’Addison. L’intervention consiste à fixer une plaque métallique et des vis pour fusionner plusieurs vertèbres du bas du dos (fusion sacro-iliaque et lombo-sacrée) et stabiliser le rachis. Les radiographies de la colonne vertébrale de Kennedy, examinées par les auteurs de l’article, ne montrent pas de fractures de compression qui aurait pu justifier ce type d’intervention et qui avaient été relatées dans une biographie de JFK parue en 2003.

Les suites opératoires sont émaillées de toute une série de complications. Il fait une réaction à la transfusion sanguine. Surtout, JFK fait une infection urinaire si sévère qu’elle provoque un coma. Pour la seconde fois, il reçoit les derniers sacrements.

Plaie ouverte dans le dos

Durant sa convalescence, il présente dans le dos une plaie ouverte infectée qui ne cicatrise pas. C’est alors que Kennedy est opéré pour la troisième fois du dos en février 1955. L’opération consiste à retirer l’implant métallique. 

En 1955, JFK, alors âgé de 38 ans, est présenté au Dr Janet Travell, une pharmacologue et spécialiste en médecine interne de l’Université Cornell (New York), connue pour ses injections locales d’anesthésiques au niveau de zones d’hypersensibilité (points gâchettes) pour traiter certaines douleurs musculo-squelettiques. Au cours des années qui suivent, Kennedy va recevoir des centaines, sinon des milliers, d’injections d’anesthésique (procaïne). C’est également à partir de ce moment que Kennedy opte pour son célèbre rocking chair, son fauteuil préféré, qui deviendra plus tard un symbole de sa présidence.  

© Wikimedia Commons

Dernière intervention du dos

Deux ans plus tard, en septembre 1957, JFK présente un abcès superficiel de la région lombaire. Il est admis à l’hôpital pour y subir sa quatrième opération du dos au niveau des 4e et 5e vertèbres lombaires, une intervention beaucoup plus invasive que les précédentes. Les examens bactériologiques montrent la présence d’un staphylocoque doré, soit environ trois ans après l’intervention chirurgicale d’octobre 1954.

Les années suivantes offrent quelque répit à JFK sur le plan médical. Elles sont marquées par sa réélection triomphante en 1958 au Sénat. Son ascension politique l’incite alors à briguer l’investiture du parti démocrate pour la présidence. Le 11 juillet 1960, quelques jours avant la Convention nationale démocrate, son adversaire Lyndon B. Johnson (qui deviendra bientôt son colistier) émet publiquement de sérieux doutes sur l’état de santé de Kennedy, dévoilant sa maladie d’Addison et réclamant qu’il effectue un bilan de santé.

« Dr Feelgood »

Au cours de la campagne électorale, Kennedy fait appel aux services d’un médecin new-yorkais d’origine allemande, le Dr Max Jacobson, surnommé « Dr Feelgood » par ses patients (qui se sentent mieux après consultation). Lors de l’été 1960, ce médecin injecte à JFK son premier cocktail vitaminé à base de dérivés d’amphétamines. Il reçoit une injection peu de temps avant le fameux débat télévisé contre Richard Nixon. JFK est élu président des États-Unis le 8 novembre 1960.

Plusieurs mois plus tard, en mai 1961, à Ottawa (Canada), lors d’une cérémonie durant laquelle il plante un arbre, Kennedy se fait mal au dos. Les douleurs lombaires sont intenses, l’obligeant à fréquemment utiliser des béquilles, à recourir aux injections de procaïne, à mettre un corset, sans oublier les injections illicites du bon « Dr Feelgood ».

© Wikimedia Commons. Photo officielle de la Maison Blanche.

Préoccupé par l’état du dos du président et son utilisation abusive des injections de procaïne, un médecin de la Maison Blanche, le contre-amiral George Burley, décide alors de consulter un chirurgien orthopédiste réputé, le Dr Hans Kraus, d’origine autrichienne. Tous deux soumettent JFK à un programme d’exercices physiques et de rééducation centré sur la piscine de la Maison Blanche. Il comprend le levage de poids trois fois par semaine, de la natation quasi quotidiennement, de même que des massages et applications de chaleur. Les résultats sont au rendez-vous. En quelques mois, l’amélioration est spectaculaire.

Les auteurs de l’article paru dans la revue JNS, qui ont examiné les radiographies de Kennedy, indiquent que rien ne montre que JFK est né avec une articulation lombosacrée instable comme lui avait dit son chirurgien en 1947. Selon les Drs Pait et Dowdy, l’origine des douleurs lombaires de Kennedy est probablement multifactorielle. Les symptômes seraient dus à une lombalgie d’origine mécanique, une maladie de l’articulation sacro-iliaque et une atteinte des racines nerveuses au niveau lombaire (radiculopathie). 

Dallas

Constatant que l’état du dos s’améliore, le Dr Kraus envisage dès l’été 1962 que le président retire son corset. Il essuie cependant un refus de JFK, d’autant que ce dernier va de nouveau ressentir des douleurs musculaires à la racine de la jambe fin août 1963. Cette « rechute de mal de dos a-t-elle contribué à la mort de Kennedy ? », s’interrogent les auteurs. En effet, à Dallas, le 22 novembre 1963, JFK porte un corset lombaire qui lui enserre les hanches et le bas du dos.

Après le premier coup de feu, le corset a ramené JFK à la position assise. Ce faisant, le président a pu rester dans la ligne de mire de Lee Harvey Oswald, permettant à ce dernier de tirer le second coup de feu mortel en pleine tête. Les auteurs citent ici l’avis du Dr John Lattimer, médecin expert non-gouvernemental qui a eu accès aux photographies de l’autopsie, aux radiographies et aux vêtements de JFK. Si le président n’avait pas porté ce corset étroitement ajusté, il aurait pu se pencher en avant et rester en dehors de la ligne de visée d’Oswald. Pour autant, écrivent les auteurs, rien n’indique que le président Kennedy aurait pu survivre à la première plaie par balle au niveau du cou.

Même s’il est impossible de déterminer avec certitude le rôle joué par le corset lombaire dans la mort de JFK, il n’en demeure pas moins que l’impact de la  décision de Kennedy de continuer à porter ce matériel de maintien, contrairement à l’avis du Dr Hans Kraus, continuera encore longtemps d’alimenter les spéculations. Une question de plus non résolue autour de l’assassinat de Kennedy, concluent les auteurs.  

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook)

Pour en savoir plus :

Pait TG, Dowdy JT. John F. Kennedy’s back: chronic pain, failed surgeries, and the story of its effects on his life and death. J Neurosurg Spine. 2017 Jul 11:1-9. doi: 10.3171/2017.2.SPINE151524

Pinals RS, Hassett AL. Reconceptualizing John F. Kennedy’s chronic low back pain. Reg Anesth Pain Med. 2013 Sep-Oct;38(5):442-6. doi: 10.1097/AAP.0b013e3182a222c

Mandel LR. Endocrine and autoimmune aspects of the health history of John F. Kennedy. Ann Intern Med. 2009 Sep 1;151(5):350-4. PMID:19721023

Loughlin KR. John F. Kennedy and his adrenal disease. Urology. 2002 Jan;59(1):165-9. PMID: 11796316